Sur les traces de Port-Royal, cité pirate engloutie des Antilles
Le XVIIe siècle est l’âge d’or de la piraterie dans les Caraïbes où se rencontrent et s’affrontent les différentes puissances coloniales de l’époque : une Espagne dominante mais sur le déclin, en prise aux ambitions des Anglais, Français, Hollandais. La ville anglaise de Port-Royal est alors une plaque tournante pour les pirates et corsaires anglais. Mais en 1692, un séisme frappe l’île et les deux-tiers de la ville sont submergés. Aujourd’hui, un archéologue part sur les traces de la cité engloutie.
Port-Royal, une plaque tournante de la piraterie dans les Caraïbes.
En 1655, les Anglais s’emparent d’une île espagnole des Antilles alors peu peuplée : la Jamaïque. Ils y fondent l’année suivante la ville de Port-Royal, et y appellent pirates et flibustiers pour défendre la Jamaïque contre les tentatives de reconquêtes espagnoles de 1656 et 1657.
Port-Royal, idéalement située sur le chemin des vaisseaux espagnols ramenant l’or du Mexique vers l’Espagne, devient un port stratégique dans la course aux galions : pirates et corsaires sous pavillon anglais s’y pressent et profitent de la tolérance relative des gouverneurs en place. Henry Morgan, célèbre pirate, finit même par en devenir gouverneur.
Devenue une base de la piraterie, Port-Royal recèle aussi les richesses issues de la « course » et devient l’une des villes les plus prospères de la région. Elle atteint entre 6 et 7000 habitants, compte des dizaines de taverne, salles de jeux et lupanars qui lui confèrent une réputation sulfureuse. La ville grandissant rapidement, les habitants commencent à construire sur des zones sableuses et saturées d’eau près du littoral. En outre, ils délaissent les habitats en bois légers de l’époque espagnole pour des bâtiments plus hauts, et souvent en brique dans le style anglais. Ces deux facteurs aggraveront terriblement la catastrophe qui se prépare.
Le séisme de 1692 et la fin de la cité pirate.
Le 7 juin 1692, en fin de matinée, un puissant séisme frappe la Jamaïque. Le sable sur lequel une grande partie de la ville est construite se liquéfie et s’écoule vers le large. Les deux-tiers de la ville s’enfoncent dans les flots, y compris le port, le centre-ville et une grande partie des fortifications, tandis qu’un tsunami frappe les côtes.
Entre 1000 et 3000 personnes perdent la vie. La plupart des survivants sont désormais sans abri et durant les mois qui suivent, des épidémies rampantes causent environ 2000 décès supplémentaires. La catastrophe et ses conséquences laissent la ville ruinée et dépeuplée, tandis que les Anglais choisissent en 1693 de construire une nouvelle ville, Kingston, à quelques kilomètres.
On tente aussi de reconstruire Port-Royal, mais la ville ne retrouve jamais son lustre d’antan, ni son statut de havre de la piraterie. Une série d’incendies, d’ouragans et d’inondations la frappent au XVIIIe siècle, et au XIXe la ville est définitivement éclipsée par Kingston, qui devient la capitale de la Jamaïque.
En 1907, un nouveau séisme détruit de nouveau la plus grande partie de Port-Royal, et il ne reste aujourd’hui que peu de vestiges visibles de son passé – sauf ceux qui reposent aujourd’hui sous la mer.
Une cartographie 3D des vestiges sous-marins de Port-Royal.
Port-Royal n’est plus aujourd’hui qu’un faubourg de Kingston, mais ses ruines englouties ne sont pourtant pas oubliées. Le gouvernement jamaïcain est conscient de la valeur archéologique du site, et souhaiterait le faire inscrire sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Mais il faudrait connaître le plan du site ; or la visibilité sous-marine dans la zone est médiocre, et les ruines sont ensevelies sous 2 à 3 mètres de vase et de dépôts de coraux. Si cette gangue est une aubaine d’un point de vue archéologique, car elle préserve les restes submergés de Port-Royal, elle limite en revanche grandement ce qui peut être détecté à l’œil nu, et seules les nouvelles technologies peuvent permettre de réaliser une véritable cartographie du site.
C’est à cette tâche que s’est attelé le Dr Jon Henderson, de l’université de Nottingham. Décrivant Port-Royal comme « la seule cité engloutie connue d’Amérique » et une sorte de « Pompéi du Nouveau Monde », il a entreprise de cartographier les ruines sous-marines à l’aide de la 3D. Ces recherches du Port-Royal submergé ont fait l’objet d’un documentaire de National Geographic, dont vous pouvez voir la bande-annonce (en anglais) ici.