Nekhen – Hiérakonpolis, cité du dieu faucon et capitale prédynastique

Située en Haute-Egypte, Nekhen – Hiérakonpolis a joué un rôle très important à l’époque préhistorique et prédynastique – avant que ne commence l’histoire traditionnelle de l’Egypte ancienne. Même si son importance décline dès l’Ancien Empire, elle reste cependant toujours occupée durant l’époque pharaonique où elle demeure le centre du culte du dieu faucon Horus. Symboliquement, elle fait pendant à Bouto, une autre cité très ancienne située en Basse-Egypte et vénérant Ouadjet, la déesse cobra.

Son importance en égyptologie est majeure pour la compréhension de l’époque préhistorique (ère Nagada), de la période thinite (qui voit l’unification de la vallée du Nil) et du début de l’Egypte pharaonique. La palette de Narmer, l’une des pièces archéologiques les plus célèbres de cette période formative, a d’ailleurs été découverte à Nekhen.

A l’époque grecque, la cité est nommée Hiérakonpolis (littéralement, la cité du faucon), nom qui est aujourd’hui généralement utilisé pour désigner le site archéologique.


Nékhen, un site archéologique très vaste.

Situé à 20 km de la ville d’Edfou, en Haute-Egypte, le site s’étend sur la rive gauche du Nil, sur plus de 4,5 km de long et 2,5 de large autour de Kom el-Ahmar. Il est actuellement affecté par la remontée de la nappe phréatique, due à la mise en culture du ouadi abu-Sufian qui le traverse, et de l’irrigation intensive qui s’en est suivie.

fouilles kom el-ahmar nekhen hierakonpolis
Vue des fouilles de la fin du XIXe siècle à Kom el-Ahmar.

Bien que peu impressionnants, les maigres vestiges visibles en 1798 avaient déjà attiré l’attention de Vivant Denon, membre de l’expédition d’Egypte.

Un siècle plus tard, en 1897, les égyptologues britanniques J. Quibell et F. Green commencent l’exploration archéologique de la cité antique. Malheureusement leurs fouilles, si elles sont marquées par des trouvailles considérables, ont été médiocrement menées, sans appliquer les méthodes scientifiques balbutiantes de l’égyptologie de cette époque. Il en résulte malheureusement une documentation assez maigre et souvent contradictoire des découvertes et de leur contexte.

Les fouilles sur le site se sont poursuivies durant tout le XXe siècle, et jusqu’à nos jours. Depuis les années 1990, les campagnes sont conduites de manière plus pluridisciplinaires. Menées par Michael Hoffman jusqu’à son décès en 1990, la relève a été assurée par Barbara Adams jusqu’à sa mort en 2001, et par Renée Friedman par la suite.


La cité prédynastique et thinite.

Vue aérienne du site de Nekhen. Au centre, le Kôm el-Gemuwia. A l’est et à l’ouest, deux petits monticules où a aussi été retrouvé du matériel ancien.

C’est surtout l’ancienneté de Nekhen-Hiérakonpolis qui lui confère une grande valeur archéologique. Le site a été occupé depuis au moins la période Badari (vers -4500 à -4000). La cité, et l’ensemble de ses sites connexes, a atteint son apogée entre -3700 et -3500, lorsqu’elle déborde de son emplacement dans la plaine inondable et s’étend dans la partie limitrophe du désert. Son extension et sa morphologie dans la zone aujourd’hui cultivée sont assez peu claires, car ses vestiges sont profondément enfouis et peu accessibles. La cité antique est mieux comprise dans la zone désertique, moins affectée par l’activité humaine au cours des âges.

Vers -3500, Hiérakonpolis est une cité dynamique et certainement l’un des plus grands centres urbains des rives du Nil, avec peut-être entre 5000 et 10000 habitants. Elle est aussi la capitale d’un royaume qui s’affirme sur la Haute-Egypte. Son importance se prolonge jusqu’à la période thinite, qui voit l’unification du pays, traditionnellement attribuée à Narmer. En revanche, Hiérakonpolis décline dès l’Ancien Empire, au profit d’autres centres, et notamment de Memphis.

Mais l’importance de cette cité aux époques préhistoriques et thinite rend son site archéologique, et les vestiges qu’il recèle, capital pour la compréhension de ces époques lointaines mais déterminantes dans la formation de la civilisation égyptienne.


Une des plus anciennes maisons d’Egypte.

Certes, la découverte peut apparaître plus modeste que celle d’une tombe royale. Mais pourtant, la maison et l’atelier d’un potier découverts en 1978 ont été riches d’enseignement pour les chercheurs et les archéologiques. En particulier grâce à un accident industriel préhistorique, qui a permis la remarquable préservation des vestiges jusqu’à nos jours.

L’histoire humaine a été faite d’expérimentations plus ou moins heureuses, comme le potier qui vivait là en a fait l’expérience. Car son four à poterie, séparé de cinq mètres seulement de son habitation, ont un jour provoqué un incendie, détruisant tout l’ensemble… Le feu a solidifié le sol et les murs de briques formant la partie inférieure de la maison, et transformé en cendres et en charbon les éléments en bois de la charpente, les livrant aux archéologues tels qu’ils étaient tombés il y a 5000 ans. Le malheur des uns fait le bonheur des autres…

Outre cet atelier de poterie et la maison attenante, Hiérakonpolis a par ailleurs livré les restes d’autres installations proto-industrielles (poterie et brasserie) ainsi que des greniers.


Le temple du dieu faucon, le plus ancien temple connu d’Egypte.

Nekhen était le centre du culte d’une divinité à forme de faucon, appelée Nekheny, et très vite assimilé au dieu Horus. On lui construisit un sanctuaire, qui est probablement le plus ancien temple égyptien retrouvé.

Reconstitution du temple du dieu faucon à Nekhen - Hierakonpolis
Proposition de reconstitution du temple préhistorique du dieu faucon à Nekhen.

Étudié notamment en 1985, le sanctuaire était composé de trois salles avec une façade composée d’immenses piliers en bois, peut-être en cèdre importé du Liban. Il s’ouvrait sur une large cour ovale murée, au milieu de laquelle se trouvait un mât solitaire, où était peut-être placée une image du dieu Horus. Il y avait aussi une plateforme de brique crue, d’où les rois de Haute-Egypte assistaient probablement aux sacrifices d’animaux en l’honneur du dieu.

Autour du temple, on trouvait des ateliers où les artisans transformaient les matériaux acheminés depuis le reste du royaume en objets de luxe (armes cérémonielles, boites en ivoire, jarres en pierre polie etc).

Situé au milieu de la ville prédynastique, ce temple – qui a peut-être servi de prototypes pour les suivants – affirmait le pouvoir du roi et du dieu local, qui allait s’établir comme la divinité liée à la royauté. Bien que Nekhen ait décliné à l’époque pharaonique, son rôle religieux et le culte d’Horus – associé au pouvoir royal – s’y perpétua.


La palette de Narmer et les autres offrandes thinites.

Derrière le temple,  J. Quibell and F. Green découvrirent le « dépôt principal » en 1897-98. Il s’agit d’un dépôt d’offrandes de fondation, comprenant notamment les têtes de massues votives dite de Narmer et du roi Scorpion. Il est aussi possible que la célèbre palette de Narmer en ait fait partie, même s’il est plus probable qu’elle se trouvait dans un autre dépôt très proche.

Ce dépôt a eu lieu au début de l’Ancien-Empire, mais les objets eux-mêmes remontent à la période de Nagada III et à la période thinite. La massue du roi scorpion est ainsi attribuée au roi Scorpion, au roi (assez hypothétique) Scorpion II ou encore à Narmer. La palette de Narmer, quant à elle, décrit pour la première fois un roi portant les couronnes de Haute et de Basse-Egypte, ce qui signifie qu’il aurait réunifié le pays, ouvrant la période thinite (Ière et IIe dynasties).

offrandes Nekhen palette massue narmer roi scorpion
De gauche à droite : la tête de massue du roi Scorpion (dynastie 0), celle de Narmer et la fameuse palette de Narmer (période thinite).

Ces objets sont primordiaux pour la compréhension de l’histoire de la dynastie 0 et de la période thinite. C’est pourquoi leur interprétation se révèle à la fois complexe et importante, car au vu du petit nombre d’objets de cette époque qui sont parvenus jusqu’à nous, la confirmation des nombreuses hypothèses émises par les chercheurs est souvent difficilement vérifiable.


Le palais.

Vue d'artiste du palais prédynastique de Nekhen - Hierakonpolis
Vue d’artiste du palais d’Hiérakonpolis.

Ses vestiges se situent dans le kom – le tell – de l’ancienne cité. Il s’agit de l’unique exemple connu d’architecture en brique crue présentant des niches (ou indentations) qui ne se retrouve pas dans un contexte funéraire.

Il a été découvert en 1969 et étudié plus avant en 1981 et 1988, mais reste encore aujourd’hui assez énigmatique. Un certain nombre de sceaux des premières dynasties y ont été retrouvées, qui constituent aujourd’hui les principaux éléments disponibles pour son étude.

Par ailleurs, la découverte en 2009 des restes d’animaux exotiques remontant à environ -3500 laisse penser à l’existence d’une ménagerie à cette époque. Cette trouvaille constitue en tout cas la plus ancienne collection zoologique connue, comprenant des hippopotames, des antilopes africaines, des babouins, des chats sauvages et même deux jeunes éléphants.


Les nécropoles prédynastiques.

Deux cimetières distincts de cette époque ont été identifiés à Nekhen.

Le premier était le cimetière des ouvriers, situé à la limite sud du site. Très ancien, on y a trouvé des traces de momification primitives et partielles, remontant à -3600 avant notre ère, témoignant de rites funéraires primitifs.

Le second abritait les tombes des notables – et peut-être des dirigeants préhistoriques. On y a découvert des masques, des statues en pierre et autres objets témoignant de rites et d’une architecture funéraire qui remonteraient aussi loin que le milieu du IVe millénaire avant notre ère. La tombe 100, qui remonte à une période comprise entre -3500 et -3200, a par ailleurs livré les plus anciennes fresques sur plâtre connues en Egypte. Elles représentent probablement des scènes religieuses, dont certaines continueront d’être figurées pendant près des trois mille ans suivants : processions de barques funéraires, une déesse entre deux lionnes dressées ainsi que de nombreux animaux, comme du bétail, des impalas, des gazelles, des autruches, des zèbres etc, qui constitueraient la plus ancienne ménagerie du monde.

tombe nekhen hierakonpolis plus anciennes fresques
Vue des fresques de la tombe 100.

Aucune sépulture royale de la période thinite ne semble cependant y avoir été édifiée, les souverains de cette époque, ainsi que ceux de la première dynastie, ayant préféré le site d’Abydos.


L’enclos pharaonique de la période thinite.

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Les murs massifs de l’enclos construit par le pharaon Khâsekhemoui (période thinite).

C’est le seul vestige monumental encore en élévation à Hiérakonpolis. Connu sous le nom impropre de « fort », car ses murs massifs ont pu le faire prendre pour tel au cours des âges, il s’agit d’un massif enclos en brique crue construit par le pharaon Khâsekhemoui (IIe dynastie) au-dessus d’un cimetière préhistorique. Cet enclos est similaire à ceux retrouvés à Abydos, et n’aurait eu aucune fonction militaire.

On ignore cependant quel était l’usage exact de ces structures. Elles semblent avoir été liées à des rites royaux, et reproduiraient l’architecture des palais de l’époque.

Le vol de nombreuses briques de l’édifice, ainsi que les fouilles, ont sérieusement affecté la stabilité de ses murs, qui apparaissait en grand danger d’effondrement. Des travaux de consolidation, utilisant de nouvelles briques crues, ont été entrepris en 2005 et 2006 par l’équipe de Friedman pour éviter l’écroulement des parties les plus abîmées.


L’art rupestre autour de Nekhen.

Avant les années 2000, on connaissait relativement peu d’exemples d’art rupestre dans les environs de Nekhen. Grâce à des repérages menées à partir de 2009 dans une zone s’étendant sur un peu plus de 2 km² autour du site, environ 165 panneaux de pétroglyphes (c’est à dire des gravures sur des rochers ou sur des pierres) ont été précisément répertoriés. Ils sont répartis sur 57 sites différents, et plus de la moitié d’entre eux étaient jusqu’alors complètement inconnus.

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Pétroglyphe prédynastique figurant un bateau.

Les représentations les plus courantes sont des symboles abstraits ou géométriques (plus de 80 % des cas). Suivent ensuite les représentations d’animaux (girafes, vaches, oiseaux) dans 10% des cas, de bateaux (4% des cas), de hiéroglyphes ou autres écritures (4% des cas) et enfin de figures humaines dans seulement 2% des cas. Le pétroglyphe de la photographie représente un navire assez détaillé.

Beaucoup remontent aux périodes préhistoriques et prédynastiques, plus rares sont ceux appartiennent aussi à la période dynastique.

De nombreux sites d’art rupestre ont été repérés en Egypte ces dernières années, par exemple dans la péninsule du Sinaï.


Nékhen – Hiérakonpolis à la période pharaonique.

Même si elle perd en importance, Nekhen ne disparaît pas à l’Ancien Empire. Au contraire, la cité va continuer d’exister durant toute l’époque pharaonique, même si l’étude de ces périodes a été largement occultée par celle des périodes plus anciennes. Mais le site comprend aussi des monuments édifiés durant les différentes phases de l’histoire égyptienne, jusqu’à la période ptolémaïque.

Les nécropoles dynastiques.

A quelques kilomètres du site de Nekhen-Hiérakonpolis se trouvent deux massifs gréseux, qui abritent une série de tombes creusées à différentes périodes. Les plus anciennes sont situées près de l’enclos de Khâsekhemoui, mais seulement d’eux d’entre elles ont conservé leur décoration :

– la tombe d’Itjefty (Ancien Empire), usurpée au Moyen Empire par Ny-ankh-Pepy, chef des prêtres et trésorier d’Horus

– la tombe d’Horemkhaouef, chef des prêtres et superviseur des champs durant la deuxième période intermédiaire (vers -1650 à -1550).

burg el-hamman colline pigeons necropole nekhen hierakonpolis
Vue de la colline des pigeons et de ses tombes.

Plus loin dans le désert, une seconde colline appelée « colline des pigeons » (Burg el-Hamman) comprend des tombes plus récentes, remontant notamment au règne de Thoutmosis III (Nouvel Empire, XVIIIe dynastie). Parmi les sépultures les plus remarquables de cette époque figurent la tombe de Dejhuty et la tombe d’Hormeni. D’autres tombes notables, comme celle du premier prophète d’Horus de Nekhen, Hermose, et de son épouse Henuta’o datend du règne de Ramsès XI (Nouvel Empire, XXe dynastie).

Ces tombes, peu étudiées malgré leur intérêt historique, étaient ouvertes et sans protection jusqu’à l’installation de grilles par l’expédition de 1996. Entre temps, elles ont malheureusement subi de nombreux dommages naturels et humains.


L’énigmatique présence nubienne.

cimetière nubien moyen empire nekhen hierakonpolis
Vue des tombes du cimetière nubien du Moyen Empire, près de l’enclos pharaonique.

Déjà repérée par des sondages en 1978 et 1983, la présence de trois cimetières assez discrets reflète la présence de Nubiens sur le site d’Hiérakonpolis. Des recherches ont été menées dans les années 2000 sur ces sites.

Les chercheurs présumaient que ces tombes étaient celles de mercenaires nubiens, dont la venue en Egypte durant la seconde période intermédiaire était connue par les sources. Si deux des cimetières datent en effet de cette période, en revanche un troisième s’est révélé plus ancien et énigmatique : il était en usage au Moyen Empire, sous les XIe et XIIe dynasties, une période mal connue à Hiérakonpolis, qui pose la question des raisons de leur présence à ce moment.


Des vestiges ptolémaïques aujourd’hui disparus.

En 1798, le français Vivant Denon, membre de l’expédition d’Egypte, s’était arrêté à Hiérakonpolis. Il décrit ainsi les vestiges alors visibles :

« A deux heures et demie, en avant d’Etfu, nous trouvâmes les ruines d’Hiéraconpolis, qui consistent dans les restes d’une porte d’un édifice considérable, à en juger par la grosseur des pierres, l’étendue des débris, et le diamètre des chapiteaux frustes que l’on trouve épars ça et là sur le sol ; la nature du grès dont étoit bâti le temple d’Hiéraconpolis est si friable, que l’édifice n’a conservé aucune forme, et que les détails sont tout-à-fait perdus. A quelques toises plus loin, on en distingue avec peine un autre encore plus dégradé : les restes de la ville ne sont plus que des monceaux de briques très cuites, et quelques fragments de granit. Je dessinai ce que je pus de ces ruines presque effacées (n°2, planche LIV bis) ; et je m’y suis représenté avec toute ma suite et dans le délâbrement où m’avoient réduit les fatigues de la route. »

Ces vestiges appartenaient peut-être à un temple ptolémaïque, mais ils sont aujourd’hui perdus et on ne les connait plus que par la description de Denon et la planche qui l’accompagne.

Vue des ruines de Nekhen - Hierakonpolis par Vivant Denon
Vue des ruines d’Hierakonpolis par Vivant Denon

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