Héliopolis, cité du soleil, son temple de Râ et ses obélisques

Dans la zone archéologique encore largement inexplorée, le musée en plein air avec l’obélisque de Sésostris Ier et la ville moderne qui a recouvert la plus grande partie de la cité antique.

Héliopolis a une importance particulière dans la civilisation égyptienne. Bien qu’elle n’ait jamais été le siège du pouvoir politique, elle fut le centre du culte du soleil pendant plus de 2500 ans (d’où son nom grec de « cité du soleil »), et peut largement apparaître comme une capitale culturelle et religieuse pour les anciens Egyptiens. A l’époque tardive, la ville était considérée comme la troisième en importance après Thèbes et Memphis. A ce titre, Héliopolis pourrait être considéré comme l’un des sites archéologiques les plus importants d’Egypte. Malheureusement, il ne reste quasiment aucun vestige visible et le site, qui se situe à la périphérie nord-est du Caire, est en grande partie recouvert ou menacé d’être recouvert par l’urbanisation moderne.


L’importance d’Héliopolis dans la mythologie égyptienne.

Selon l’un des mythes égyptiens, la création du monde aurait eu lieu dans le temenos (l’enceinte sacrée du temple) d’Héliopolis. Le monde, apparaissant initialement sous la forme d’un monticule, aurait émergé des eaux déchaînées d’un océan chaotique, Nun. Son émergence symbolise la victoire de Maat, l’ordre cosmique, sur le désordre. Les récits mythologiques font aussi d’Héliopolis le lieu de naissance des dieux, et la cité était par ailleurs associée à d’autres mythes : les textes des pyramides parlent ainsi d’un tribunal tenu par les dieux locaux aux portes du téménos d’Héliopolis pour trancher les conflits s’élevant entre divinités, par exemple entre Horus et Seth.

Outre cette importance mythologique, Héliopolis était associée au soleil et constituait le principal lieu de culte des divinités liées au soleil : le dieu Khépri (le soleil renaissant), le dieu Rê (le soleil à son zénith) et le dieu Atoum (le soleil couchant). Cette triade finit par se confondre en une seule, représentée par l’astre solaire. Ainsi, d’après la mythologie égyptienne, le dieu solaire en constante transformation est à l’origine de la création du monde. Il renaît chaque jour pour disparaître chaque soir et continue ainsi son cycle éternel. De plus, de nombreux récits mythologiques découlèrent de cette cosmogonie dont ceux d’Isis et Osiris, de Seth et Horus, de Geb et Nout, de Sekhmet et de l’Œil de Ra.


Héliopolis à l’époque pharaonique.

Si Héliopolis était la capitale religieuse de l’Égypte antique, à l’importance particulièrement affirmée durant l’Ancien Empire, elle ne fut jamais un grand centre politique. Ounou (son nom égyptien) était cependant la capitale du treizième nome de Basse–Égypte, celui « du Sceptre intact » ou « du souverain fort ».

Mais son importance symbolique était forte, et plusieurs pharaons adoptent dans leur titulature le terme de « Seigneur d’Héliopolis » ou « Dieux Seigneur d’Héliopolis ».


Le plus grand téménos de toute l’Egypte.

Le téménos, c’est à dire l’espace sacré du temple d’Héliopolis, semble avoir été le plus grand de toute l’Egypte, plus vaste même que celui de Karnak, à différentes périodes et notamment durant l’Ancien Empire. On y vénérait principalement Rê, auquel était dédié le temple le plus important, desservi par un important clergé rendant un culte élaboré et quotidien au dieu soleil. Mais le téménos comptait de nombreux autres temples consacrés à des divinités liées à Rê : Amon, Horus, Hathor ou Mout.

L’importance d’Héliopolis et de Rê dans la mythologie égyptienne explique que le téménos ait fait l’objet d’une attention incomparable au cours des âges, tant par la vénération des Egyptiens que par les dons royaux et l’activité bâtisseuse des pharaons. Ainsi, le téménos d’Héliopolis était le plus grand de tout le pays.


Les obélisques d’Héliopolis en Egypte et en Italie.

L’obélisque de Sésostris Ier à Héliopolis.

Le principal vestige visible aujourd’hui d’Héliopolis est l’obélisque de Sésostris Ier (-1962 à -1928), qui est aussi le plus ancien obélisque subsistant en Egypte.

Vue moderne de l'obélisque de Sésostris Ier à Héliopolis, la cité du soleil
Vue moderne de l’obélisque.

Fleurs de cerisier
Ogawa Kazumasa

Vue ancienne de l'obélisque de Sésostris Ier à Héliopolis
Vue de l´obélisque avant l’urbanisation massive de la zone.

D’autres fragments d’obélisques ont été découverts lors de fouilles archéologiques. Cependant, de nombreux autres obélisques qui ornaient la cité du soleil avaient déjà été transportés durant la période romaine vers l’Italie pour embellir Rome. Chacun d’entre eux a ensuite suivi son propre parcours, parfois tumultueux.


Les obélisques jumeaux de Dogali et de Boboli.

Ainsi, deux obélisques de granite rouge d’Assouan, mesurant 9,25 mètres, élevés devant le temple de Rê par Ramsès II, furent transportés à Rome sur l’ordre de l’empereur Domitien pour orner le temple d’Isis élevé dans la capitale romaine. L’un d’entre eux, l’obélisque de Dogali, redécouvert en 1883, se trouve toujours à Rome. Son jumeau, transporté en 1790 à Florence, mesure 6,25 mètres et se trouve aujourd’hui aux jardins Boboli.

L’obélisque de Flaminio.

L’obélisque de Flaminio, sur la Piazza del Popolo à Rome, qui mesure 27 mètres de haut, et avait été élevé à Héliopolis sur l’ordre du pharaon Séthi Ier, vers -1300. Auguste avait ordonné son transport à Rome pour orner le Circus Maximus. Il fut redécouvert en 1587 et élevé à son emplacement actuel sur l’ordre du pape Sixte Quint.

Les obélisques de Macuteo et de Matteiano.

Autre paire d’obélisques jumeaux élevés par Ramsès II devant le temple de Rê, ces deux petits obélisques furent également transportés à Rome pour orner le temple d’Isis et de Sérapis au Champs de Mars. Le premier, mesurant 6,38 mètres, fut redécouvert en 1373 et placé sur la colline capitoline, puis intégré sur l’ordre du pape Clément XI en 1711 à une fontaine placée devant le panthéon. Le second, lui aussi d’abord placé sur la colline capitoline, fut ensuite transporté à la Villa Celimontana selon les plans de Michelange au XVIe siècle. Mais il fut perdu de nouveau, et il n’en reste aujourd’hui plus qu’un fragment de 2,68 mètres remonté en 1820.

L’obélisque de Montecitorio.

En granite rouge, il fut élevé à Héliopolis en l’honneur du pharaon Psammétique II (-595 à -589). Transporté sur l’ordre Auguste en -10 à Rome, il servait d’aiguille pour un gigantesque cadran solaire, le Solarium Augusti. Au Moyen Âge, un séisme le jette à terre. Il n’est redécouvert qu’en 1502 et le pape Sixte Quint tente de le faire réassembler. Mais cette tâche est finalement menée à bien au XVIIIe siècle, et l’obélisque s’élève aujourd’hui à 21,79 mètres et est visible Piazza Montecitorio.

L’obélisque du Vatican.

Mesurant 25,5 mètres et ne comportant pas de hiéroglyphes, il se dressait à Héliopolis avant d’être déménagé à Alexandrie. Sur l’ordre de Caligula, il prend la route de Rome où il est placé sur la spina du cirque de Néron, près du Vatican. En 1586, il est déplacé et positionné au centre de la place Saint Pierre.


Les nécropoles d’Héliopolis.

L’importance de la cité du soleil se traduit aussi par celles de ses nécropoles. La plus vaste se trouvait à l’est de la cité, et demeura en usage durant la plus grande partie de l’histoire pharaonique.

Stèle d'Ipi dédiée au taureau Mnévis, provenant probablement d'Héliopolis, Nouvel Empire
Stèle d’Ipi dédiée au taureau Mnévis et provenant probablement d’Héliopolis, XIXe dynastie.

Héliopolis comptait aussi une nécropole pour inhumer les taureaux sacrés, incarnation du dieu Mnévis. A l’origine divinité distincte, Mnévis fut considéré par la suite comme la manifestation physique du dieu Atoum-Râ. Il est généralement représenté sous la forme d’un taureau noir portant un disque solaire et un uræus. Le taureau sacré d’Héliopolis avait droit à deux concubines – deux vaches représentant les déesses Hathor et Iusaaset. A sa mort, le taureau était embaumé dans une nécropole située près du grand temple de Râ et on lui cherchait un remplaçant. Un autre cimetière était réservé aux « mères de Mnévis », vues comme les incarnations de la déesse-vache Hesat. Il n’y avait qu’un seul taureau sacré à la fois. Ses mouvements étaient considérés comme guidés par la volonté divine et servaient d’oracles. Seul le taureau Apis, à Memphis, jouissait d’un prestige plus grand.


Les aléas du site archéologique.

L’importance religieuse d’Héliopolis n’empêche pourtant pas que, dès l’époque ptolémaïque, puis romaine, certaines pièces architecturales majeures élevées par les pharaons, les obélisques, ne soient démontées et emportées loin de la ville, vers Alexandrie, puis Rome, et ornent ainsi aujourd’hui les lieux publics de nombreuses capitales. Aujourd’hui, seul un obélisque, celui de Sésostris Ier, est resté in situ à Héliopolis, dans ce qui constitue un musée en plein air.

La zone principale du téménos est aujourd’hui occupée par le quartier moderne de Matriya, la nécropole est recouverte par le quartier d’Ain Shams, celle du taureau sacré Mnevis par le quartier d’Arab el-Tawil. Quant aux édifices de l’administration du temple antique, situés au nord du téménos, elles sont aujourd’hui enfouies sous le quartier d’Arab el-Hisn.

Cette urbanisation a bien entendu engendré des dommages considérables aux vestiges archéologiques, et les pillages, menés depuis les habitations en surface vers les strates anciennes situées au-dessous, sont nombreux.

Les archéologues sont pourtant actifs depuis longtemps sur le site. E. Schiaparelli fut le premier archéologue à fouiller de petites parties de la zone du temenos en 1903-1904, suivi par W.M. Flinders Petrie en 1912. La zone d’administration du temple ainsi que la nécropole des taureaux ont fait l’objet d’un examen archéologique, d’abord par le ministère égyptien des Antiquités depuis 1902, puis par l’Université du Caire. De 1916 à 1936, des travaux de terrain ont été menés dans la zone de la nécropole des élites, se concentrant principalement sur les tombes datant de l’Ancien Empire et de la période tardive.

En raison du développement urbain rapide, le ministère égyptien des Antiquités a commencé des fouilles de sauvetage à Héliopolis dans les années 1950 afin de protéger les vestiges antiques. En 2012, le projet Héliopolis a vu naissance sous la direction d’Aiman Ashmawy (ministère égyptien des Antiquités) et de Dietrich Raue (université de Leipzig) et se poursuit à ce jour, permettant de sauver ce qui peut l’être et d’améliorer notre connaissance de la cité antique.


Les récentes découvertes archéologiques à Héliopolis.

2017 : Un colosse et des éléments architecturaux découverts sur le site d’un temple de Ramsès II.

Ce sont notamment les fragments d’une statue colossale en quartz, comportant le buste, la partie inférieure du visage, la tête, la couronne et les oreilles. D’abord attribué à Ramsès II du fait du contexte archéologique de la découverte, la statue appartenait finalement au pharaon Psammétique Ier (-664 à -610), l’un des plus grands pharaons de la Basse Epoque. Un fragment d’obélisque la partie supérieure d’une statue à taille humaine représentant le pharaon Séthi II, petit-fils de Ramsès II, ont également été découverts.
>> Une colosse de Ramsès II découvert à Héliopolis
>> Quel pharaon a fait élever le colosse découvert à Héliopolis?


2019 : Découverte de nombreux fragments architecturaux et de vestiges préhistoriques près d’un mur d’enceinte du Nouvel Empire.

Ce sont les principaux résultats de la 13e campagne de fouilles de la mission archéologique germano-égyptienne, qui s’est concentrée sur le secteurs sud-ouest de l’enceinte du sanctuaire où un petit cimetière datant du XIe siècle avant notre ère avait été découvert en avril 2019. D’importantes couches de débris à proximité d’un mur d’enceinte du Nouvel Empire contenait des fragments d’une statue royale du Moyen Empire, ainsi que divers moules pour la fabrications d’amulettes en faïence et des fragments de chapiteaux de colonnes de palmiers datant de l’Ancien Empire et réutilisés par la suite. Par ailleurs, sous ces débris, les archéologues ont accédé directement aux strates préhistoriques d’Héliopolis. Ils ont mis au jour des vestiges très anciens en brique crue et les restes d’une brasserie similaire à celles retrouvées sur d’autres sites, dont celui de Tell Farkha. Un abondant matériel en pierre ou poterie a été retrouvé, datant de la phase de transition de la culture de Basse-Egypte et montrant des signes de contact avec la culture Nagada en Haute-Egypte, vers -3500.

Les archéologues ont aussi mis au jour des éléments et des fosses hellénistiques et romaines, dont certaines contenaient des débris de reliefs plus anciens appartenant au temple de Ramsès II. Une dalle particulièrement bien préservée montre ce pharaon agenouillé devant le dieu soleil Rê-Horakhty, seigneur du ciel et souverain d’Héliopolis. Une autre fosse contenait plusieurs fragments de deux sculptures royales : l’une est la base d’une statue du roi Séthi II (-1200 à -1194), tandis que la seconde, en granite rouge, pourrait représenter la déesse Isis ou bien Hathor, ou encore une épouse de Ramsès II.

Résultats des fouilles de 2019 à Héliopolis en Egypte : bas-reliefs et fragments de statues du Nouvel Empire


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