Trouvailles majeures dans une nécropole méroïtique au Soudan
Le Soudan compte un bon nombre de sites archéologiques extraordinaires, largement inexplorés, comme ceux de Méroé ou de l’île de Saï, ou encore celui de Sedeinga.
Situé sur la rive occidentale du Nil, au nord du pays, Sedeinga est aujourd’hui distant d’environ 150 km de la frontière égyptienne. Mais durant le Nouvel Empire, la zone était dominée par les Égyptiens. Ceux-ci y ont édifié un temple dont les ruines, avec une unique colonne encore debout, constituent de nos jours le principal témoignage de cette période. Le sanctuaire était consacré à la reine Tiye, épouse d’Aménophis III, pharaon connu notamment pour son immense temple funéraire près de Louxor.
La domination égyptienne finit cependant par s’évanouir, et au VIIIe siècle avant notre ère, un pouvoir royal indépendant émerge de nouveau en Nubie, autour de la cité de Napata, sa capitale. Il devient même si puissant qu’il finit par dominer l’Egypte : c’est la XXVe dynastie des fameux pharaons noirs. A la fin du IVe siècle, confronté à des invasions venus du nord, le royaume se replie plus au sud, autour de Méroé : c’est la période méroïtique, qui dure jusqu’au IVe siècle de notre ère. Sur plus de mille ans, cette civilisation va assurer la fusion des traditions locales et de l’influence égyptienne.
Sedeinga était alors une grosse cité provinciale, stratégiquement située sur la route commerciale avec l’Egypte, lui assurant une grande prospérité. En témoigne une immense nécropole, active entre le VIIe siècle avant notre ère et jusqu’à la fin du royaume de Méroé, en témoigne. S’étendant sur près de 25 hectares, elle est aujourd’hui fouillée par une équipe de chercheurs internationaux du CNRS et de l’université de la Sorbonne (dans le cadre du Directorat des Antiquités soudanais). Entre 2009 et 2012, 35 petites pyramides – la plus grande mesurant 6,7 mètres à sa base – y ont été dégagées. Au total, on en compte au moins 80 dans la nécropole, construites en brique, et plus d’une centaine de tombes ont été recensées.
Le programme de recherche mené depuis 2009 s’est concentré sur la chronologie de la construction de cette nécropole, tâche rendue difficile par le peu d’informations historiques qui nous sont parvenues sur cette civilisation. Les chercheurs ont montré que la plupart des pyramides et des tombes datent du royaume de Napata, et ont été par la suite ajustés par les Méroïtiques, soit environ 500 ans après les premières constructions sur le site. Les Méroïtiques ont alors ajouté de nouvelles chapelles construites en briques ou en grès sur le côté occidental des pyramides, afin de vénérer le défunt.
Les deux dernières campagnes de fouille ont permis la découverte de nombreuses tombes, stèles et linteaux portant des sculptures et inscriptions. Cela n’a rien d’anodin : il s’agit aujourd’hui du corpus le plus important d’inscriptions méroïtiques. Or cette langue a été le plus ancien langage d’Afrique subsaharienne à avoir été transcrit à l’écrit, à partir du IIe siècle avant notre ère. Deux écritures distinctes étaient alors utilisées : l’une en hiéroglyphes égyptiens, et l’autre en cursive. Mais bien que le méroïtique a été déchiffré au début du XXe siècle, il reste aujourd’hui encore en grande partie incompréhensible.
Ainsi, en 2017, une stèle portant le nom d’une Dame Maliwarase avait été retrouvée. Les inscriptions exposaient sa parenté avec les notables de Nubie (au nord du royaume de Méroé) : elle était la soeur de deux grands prêtres d’Amon, et l’un de ses fils obtint la position de gouverneur de Faras, une grande cité bordant la deuxième cataracte.Les archéologues ont aussi découvert une linteau portant quatre lignes de texte décrivant le possesseur du sépulcre, une autre grande dame, Adatalabe. Issue d’un lignage illustre incluant un prince royal, membre de la famille régnante de Méroé. Ces deux inscriptions, réalisées pour des femmes de haut rang, ne sont pas des exemples isolés à Sedeinga. Dans la société méroïtique, les femmes incarnaient le prestige d’une famille et le passaient en héritage.
D’autres pièces décorées de grès ont également été dégagées, qui témoignent de la splendeur de l’art funéraire méroïtique. Ainsi, une stèle a été retrouvée gisant sur le côté, qui avait encore – fait rare – conservé ses pigments bleus. Les archéologues ont réalisé une autre trouvaille exceptionnelle : un linteau de porte représentant la déesse égyptienne de l’ordre, de la rectitude et de la paix, Maât. Il s’agit de la première représentation connue de cette divinité à présenter des caractéristiques africaines.
Ces découvertes contribuent à faire progresser notre connaissance d’une civilisation fascinante, née d’un mélange culturel entre l’Egypte et l’Afrique noire, et qui reste aujourd’hui encore largement mystérieuse.