Sur la branche canopique du Nil se trouvait jadis la cité de Saïs, occupée aujourd’hui par la ville moderne de Sa el-Hagar. Cette cité, bien que très ancienne, reste un centre secondaire durant la plus grande partie de l’époque pharaonique avant de devenir la capitale de plusieurs pharaons de la Basse-Epoque.
Saïs, de l’époque néolithique au Nouvel Empire.
Son site était déjà occupé durant la période néolithique et prédynastique, depuis au moins -4200. Par la suite, la cité, appelée « Sau » ou « Zau », est la capitale provinciale du cinquième nome de Basse-Egypte (le nome de Sap-Meh) et le sanctuaire majeur de la déesse Neith durant l’époque pharaonique. La ville reste cependant assez secondaire jusque vers -1100 où elle gagne en importance.
La montée en puissance de Saïs à la Basse-Epoque.
Cependant, c’est surtout durant la Basse-Epoque que la ville prend son véritable essor. Tout d’abord durant la troisième période intermédiaire, lorsqu’une lignée de Saïs — la XXIVe dynastie – s’impose comme l’une des principales puissances du delta à partir de -732, entre en conflit avec les pharaons noirs qui dominent le royaume de Koush et le sud de l’Egypte. Selon la tradition historique rapportée par les historiens Grecs, les Koushites auraient fini par vaincre cette dynastie et brûler vif son dernier roi, Bakenranef.
Mais l’Egypte est vite confrontée à la menace de la superpuissance de cette époque : les Assyriens. Le roi Assarhaddon attaque l’Egypte avec un succès limité en -677, puis de nouveau en -674. En -672, un nouvel assaut voit l’effondrement de la domination koushite et les Assyriens avancent jusqu’à Assouan, en Haute-Egypte. Pour assurer leur pouvoir sur le nord, les envahisseurs s’appuient sur les princes locaux, et notamment ceux de Saïs.
Le roi koushite Taharqa lance cependant une contre-attaque et reprend Saïs et le delta. La réaction du nouveau roi assyrien Assurbanipal est terrible. Il reconquiert l’Egypte, saccage plusieurs grandes villes, et notamment l’ancienne capitale de Thèbes et ses sanctuaires en -664, qui ne s’en relève jamais complètement. Saïs est épargnée et les Assyriens laissent le pouvoir sur le nord à ses princes. Mais comme ceux-ci complotent avec Taharqa et d’autres roitelets locaux, il les fait tous exécuter. Un seul chef est épargné, Nékao Ier, à qui les Assyriens confient Saïs.

Le fils de Nékao Ier, Psammétique Ier, parvient à réunifier l’Egypte et à en chasser les Assyriens. Il inaugure la XXVIe dynastie, la période la plus faste pour la cité de Saïs. Cette époque de grande prospérité est marquée par une importante production culturelle : les historiens désignent cette période comme la « renaissance saïte » (-664 à -525). La ville est alors la capitale royale et le culte de la déesse Neith s’impose comme le culte officiel du pays.
Psammétique Ier, dont le règne particulièrement long dure de -664 à -610, a également été un grand bâtisseur – en témoigne encore par exemple la découverte récente d’un colosse à Héliopolis, et il est probable qu’il ait aussi fait embellir sa capitale.
Saïs à l’époque perse et ptolémaïque.
Sous la première domination perse, la ville redevient le centre d’un pouvoir local de -404 à -399. Son prince, Amyrtée, mène la révolte contre les Perses et fonde la XXVIIIe dynastie.
Par la suite, les derniers souverains égyptiens indépendants sont originaires d’autres cités du delta, mais leurs rois continuent d’embellir le sanctuaire de Neith à Saïs. Après le retour des Perses, puis l’invasion des Macédoniens et la fondation d’Alexandrie, la cité perd de son importance et décline. Elle conserve cependant son prestige et ses sanctuaires, écoles et bibliothèques attirent encore les philosophes et savants à l’époque ptolémaïque et romaine.
Saïs, une capitale fastueuse.
Les historiens grecs et notamment Hérodote décrivent ainsi Saïs comme une « grande cité », en décrivent les nombreux temples et notamment celui de Neith, associé à Athéna, où se situeraient les tombes des pharaons – comme dans une autre capitale du delta, Tanis, où des tombes pharaoniques ont été retrouvées dans le sanctuaire d’Amon.
Les deux monuments principaux de la cité étaient le sanctuaire de Neith, qui devient la divinité officielle du pays à l’époque saïte, ainsi que le palais royal. Mais plus de 30 divinités étaient vénérées dans la ville, qui devait ainsi compter de nombreuses tombes et chapelles.
Explorations et fouilles, du XIXe siècle à nos jours.

Le site de Saïs est identifié dès l’expédition d’Egypte de Bonaparte. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, ses vestiges sont encore visibles pour les explorateurs européens, parmi lesquels Champollion ou Lepsius. Ils voient alors encore une grande enceinte de brique, ainsi qu’une forteresse. L’industrialisation, la mise en culture systématique du delta – qui a poussé les locaux à rechercher du sebbakin, de vieilles briques de terre crue, utilisées comme fertilisant – et le pillage des antiquités par des explorateurs peu scrupuleux ont néanmoins entraîné la disparition de ces ruines dès la fin du XIXe siècle. A cette époque, Mariette et Flinders Petrie effectuent quelques sondages et fouilles, mais le site n’intéresse guère les archéologues.

Ce n’est qu’en 1993 que commencent de nouvelles campagnes de fouilles en 1993, menées par une équipe de l’université de Durham en partenariat avec le Conseil Suprême des Antiquités égyptiennes. Ces recherches ont permis d’avoir une meilleure compréhension et une vision plus globale du site.
Les chercheurs ont ainsi déterminé qu’à son apogée, Saïs couvrait une zone de trois km sur un, mais que la ville s’est rétractée vers le sud à l’époque romaine, avant de devenir un simple village qui constitue le centre de la localité actuelle. Les archéologues ont aussi probablement localisé ce qui était le palais royal de la XXVIe dynastie. L’édifice était entouré d’une enceinte gigantesque mesurant 700 mètres par 680, et pouvant atteindre jusqu’à 20 mètres de hauteur.
Monuments et découvertes archéologiques majeures.
En mauvais été et n’ayant été que peu fouillés, les monuments de Saïs sont mal connus et les trouvailles qu’il a livré, principalement au XIXe siècle, sont pour la plupart visibles dans les grands musées européens et américains.
Le sanctuaire de Neith.
Principal monument de la cité depuis l’époque pharaonique, il n’en reste cependant pas de vestiges connus.
Les tombes des pharaons.

On sait que les tombeaux de plusieurs rois étaient situés dans l’enceinte du temple de Neith, comme c’était également le cas dans une autre capitale pharaonique, Tanis. Il est possible qu’ils aient été pillés par les envahisseurs perses. Hérodote rapporte en effet que le roi des rois perse Cambyse fit profaner le tombeau du dernier pharaon égyptien qu’il avait vaincu, Ahmosis II, et finit par faire brûler sa momie – un châtiment terrible au vu des croyances des anciens Egyptiens. Tout ce que l’on connaît de la nécropole royale se résume de faut à un fragment du tombeau ou du sarcophage externe du tombeau de Psammétique II, qui fait partie de la collection égyptienne du musée du Louvre.
Les obélisques de Saïs à Rome et à Urbino.
Le pharaon Apriès, de la XXVIe dynastie (VIe siècle avant notre ère) avait fait élever deux obélisques jumeaux devant le temple de Neith. Transportés à Rome pour orner le temple d’Isis par Caligula ou plus tard par Domitien, ils furent par la suite séparés. Retrouvés ensemble, l’un fut érigé sur la piazza della Minerva, à Rome, sous le pontificat d’Alexandre VII (1655-1667). Le second, retrouvé brisé en trois et acquis par le cardinal Albani et conservé dans sa villa, fut ensuite donné à sa ville natale d’Urbino lorsqu’il devint le pape Clément XI. L’obélisque y fut transporté et installé en 1737.
La statuaire.
Le sanctuaire de Neith et les autres sanctuaires de Saïs étaient ornés de nombreuses statues commandées par les souverains ou les hauts dignitaires. Les archéologues en ont retrouvé certaines dans les vestiges des temples, qui témoignent de la qualité de la production artistique à l’époque de la « renaissance saïte ».
Outre les vestiges de Saïs, l’Egypte compte un grand nombre d’autres sites archéologiques reflétant la richesse de son histoire millénaire. Découvrez-les tous ici ou penchez vous sur quelques centres majeurs de l’Egypte antique :
>> Abydos, nécropole prédynastique et cité sacrée d’Osiris
>> L’Aménophium, le temple des millions d’années d’Aménophis III, près de Thèbes
>> Bouto, cité de la déesse cobra, dans le delta
>> Bubastis, cité sacrée de la déesse-chat Bastet
>> Héliopolis, cité du soleil, et son temple de Râ et ses obélisques
>> Licht, nécropole des pharaons du Moyen Empire
>> Memphis, métropole insaisissable de l’Egypte pharaonique
>> Nekhen – Hierakonpolis, cité du dieu faucon, une des plus vieilles d’Egypte
>> Pi-Ramsès, capitale oubliée du pharaon Ramsès II
>> Tanis, la Thèbes du nord, et les trésors des pharaons de la 2e période intermédiaire