
Abydos, nécropole des premiers pharaons et cité sacrée d’Osiris
Le site archéologique d’Abydos est l’un des plus importants d’Egypte, couvrant une surface totale d’environ 8 km². C’est aussi un site assez atypique de par son histoire et l’importance qu’il occupait dans l’imaginaire des anciens Egyptiens en matière religieuse et funéraire.
Abydos n’a jamais été une grande ville, et était assez atypique en comparaison d’autres cités égyptiennes. Situé à une certaine distance du Nil, sa population était probablement entièrement consacrée au service de temples, tombes et autres monuments funéraires. L’habitat le plus permanent d’Abydos, entre l’Ancien Empire et la seconde période intermédiaire, se situait près du temple d’Osiris à Kom es-Sultan. A l’exception de la période prédynastique, où Abydos a pu être un centre politique, la cité est resté un centre urbain secondaire durant le reste de l’histoire égyptienne. Elle n’était d’ailleurs même pas la capitale d’un nome, un rôle joué par la cité voisine de Thinis.
L’importance d’Abydos se situait au niveau symbolique et religieux. Même si son sanctuaire n’était pas aussi riche que ceux de Thèbes, Memphis ou Héliopolis, Abydos jouissait d’un statut de tout premier plan pour les anciens Egyptiens.
Le premier élément de réponse tient à son ancienneté : la cité commence à prendre son essor dès l’époque Nagada, au néolithique. Elle est probablement la capitale de la dynastie 0, qui précède l’entrée dans l’histoire pharaonique. Elle reste aussi la nécropole des premiers d’entre eux : Narmer, le premier unificateur du pays, y est inhumé avec ses successeurs de la première dynastie. Même si Abydos est ensuite concurrencé par d’autres nécropoles royales, plusieurs pharaons des IIe et IIIe dynasties choisissent encore d’y être enterrés, et jusqu’au Moyen et au Nouvel Empire, quelques pharaons y font construire des cénotaphes.
L’autre facteur tient à la religion égyptienne. Abydos était le centre de culte du dieu canin des nécropoles, Khentiamentiu. Son temple existait depuis des temps très anciens. Sous l’Ancien Empire, durant les Ve et VIe dynastie, il est assimilé au dieu Osiris, très important en Basse-Egypte. Le statut d’Abydos s’affirme alors, et dès le Moyen Empire, la cité est devenue le principal centre religieux du maître du royaume des morts.
Un haut-lieu de l’Egypte prédynastique.
Avec Thinis, Nékhen – Hierakonpolis et quelques autres sites, Abydos a joué un rôle majeur à l’époque prédynastique. Cette période charnière précède l’unification du pays par Narmer et le début de l’Ancien Empire. A cette période, Abydos semble cependant principalement fonctionner comme un centre funéraire satellite à la ville de This, même si son importance dépasse le simple statu de nécropole.
Umm el Qa’ab, nécropole prédynastique et des premières dynasties.
Umm el Qa’ab signifie en arabe « la mère des poteries », du fait des millions d’éclats de poteries que l’on trouve dans toute la zone, et qui sont les résidus des offrandes apportés par les anciens Egyptiens pendant des siècles sur le lieu supposé de la naissance d’Osiris. Car au Moyen-Empire, il semble qu’on avait perdu le souvenir de l’importance de ce site. Une des tombes ruinées de la nécropole est alors excavée et transformée en petit temple : on considérait alors que c’était l’endroit où Osiris avait vu le jour, et le temps fort du festival en l’honneur du dieu était la grande procession partant du temple principal vers ce petit sanctuaire.


En 1894 et 95, le site a été fouillé – un bien grand mot en l’occurrence – par l’archéologue français Emile Amélineau, un spécialiste reconnu de l’étude des Coptes. Malheureusement, ses méthodes archéologiques s’avèrent relever plus du pillage que de l’étude scientifique, et il inflige de sévères dommages au site. En 1896, l’archéologue américain Flanders Petrie prend le contrôle de la concession et fouille de nouveau et de manière plus sérieuse les tombes. Bien que de nombreuses informations aient été perdues par les travaux peu scrupuleux d’Amélineau, en s’intéressant aux débris laissés par ses équipes, Petrie parvint à identifier les tombes de tous les pharaons de la première dynastie, ainsi que celles des deux derniers de la seconde.
Depuis les années 70, deux missions européennes poursuivent l’étude du site et ont réalisé de nouvelles découvertes : l’institut Archéologique allemand, conduit par Gunter Dreyer, et le Musée de Pennsylvanie, sous la direction de David O’Connor.
L’équipe allemande a principalement concentré ses efforts sur un site qu’ils ont appelé le Cimetière U. Il s’agit d’un ensemble de tombes aristocratiques dont les plus anciennes remontent à l’époque de Nagada I et II. Le point fort de ces recherches a été la découverte de la Tombe Uq, la plus grande et riche de toutes, qui a certainement été la sépulture du proto-pharaon connu comme le Roi Scorpion. Cette tombe était constitué d’une grande et profond fosse creusée dans le sol et ne contenant pas moins de douze chambres. La plus grande était la chambre funéraire, entourée de salles remplies d’offrandes reflétant sa richesse et les tribus qui lui étaient versés, et devant lui fournir les ressources nécessaires à sa vie dans le royaume des morts. Ainsi, près de 400 jarres de vin ont été découvertes, dont certaines provenaient de régions lointaines comme la Palestine ou Canaan (qui correspond en gros aux actuels Liban et Israël). Au total, elles auraient pu contenir jusqu’à 4000 litres de vin.
Les marques accompagnant ce trésor se sont révélées encore plus importantes pour les chercheurs, car ils représentent les premiers stades de l’écriture hiéroglyphique. Un ancien débat existe concernant l’apparition de cette écriture : s’est-il s’agit d’une imitation des écritures sumériennes de Mésopotamie, où se sont-elles développées indépendamment ? Quelle a été l’influence des Sumériens sur la civilisation égyptienne ?
Il y avait certainement des relations commerciales, même s’il semble qu’il s’agissait presque uniquement d’exportations de la Mésopotamie vers l’Egypte, et que les traces d’un commerce en sens inverse sont très rares. Cela a souvent été considéré comme la preuve d’une influence certaine. Cependant ces signes, certains sur les poteries et d’autres sur de petites plaques d’ivoire, semblent avoir principalement eu des fonctions de comptabilité, et sont sujettes à débat pour savoir dans quelles mesures elles pouvaient aussi représenter des noms ou des endroits.
Ces signes ont en effet 150 ans de plus que les hiéroglyphes connus les plus précoces, mais ils en certainement les ancêtres.
Il est tentant de suivre l’argument classique que la grande taille de ces tombes représente un pas majeur vers la civilisation ; il constitue en tout cas certainement un pas majeur vers l’inégalité.
L’étape suivante est représentée par trois grandes fosses funéraires ont aussi été découvertes, et ont été attribuées aux sépultures des pharaons de la dynastie 0. L’une d’entre elles seraient celle de Narmer, l’unificateur de l’Egypte.

Mais la véritable percée en terme de taille et de complexité est représentée par la tombe du roi Hor-Aha, deuxième pharaon de la première dynastie (pour la plupart des Egyptologues), pour laquelle on peut véritablement parler de complexe funéraire. Elle est constituée de trois fosses, une pour la tombe et deux pour les offrandes. Cependant à côté se trouvait aussi une double rangée de 34 fosses secondaires, contenant chacune le corps d’un jeune home dans un cercueil de bois. Ce sont les tombes des domestiques accompagnant leur souverain dans l’autre monde – qu’ils l’aient fait volontairement ou non n’est pas connu. Cette étape est souvent vue comme la manifestation d’une structure hiérarchique plus forte, où le roi a le pouvoir de décréter que des serviteurs l’accompagneront dans l’au-delà.
Les sépultures postérieures prolongent cette pratique, et beaucoup d’entre elles sont composes de grandes fosses funéraires contenant non seulement des salles pour les offrandes de nourriture et de boisson, mais aussi des rangées et des rangées de salles secondaires contenant des sépultures, la plupart du temps d’hommes jeunes. Les complexes funéraires les plus récents avaient des marches y conduisant pour en faciliter l’accès, tandis que les plus anciens étaient seulement accessibles depuis le toit. C’est pourquoi on considère que ces sépultures secondaires ont toutes été réalisées au même moment, et pourraient ainsi constituer une forme précoce de sati ou suttee, où les domestiques sont mis à mort pour accompagner leur maître dans l’au-delà, et enfermés avec lui dans la même tombe quand l’accès par le toit est scellé. Dans l’un des cas, pour le roi Djer, un total de 318 serviteurs se trouvaient dans la tombe.
Mais progressivement cette pratique déclina dès la première dynastie, et ses dernières tombes ne comptent pas plus d’une douzaine de tombes auxiliaires. On ignore pourquoi cette pratique a disparu, même si l’on peut supposer qu’elle n’était pas nécessairement viable, la société perdant à chaque fois un important nombre d’hommes.
Cette pratique trouve des échos dans de nombreuses autres civilisations, notamment à Ur ou en Chine, où il était aussi d’usage que des domestiques accompagnent les membres de l’aristocratie (voir article sur les Shang). Dans tous les cas, ces pratiques semblent aussi y avoir disparues (a verifier).
Des sépultures ont continue à être aménagées à Abydos jusqu’à la fin de la première dynastie. Puis, les pharaons ont préféré se faire inhumer près de Memphis, la nouvelle capitale située en Basse-Egypte. Seuls les deux derniers pharaons de la deuxième dynastie ont fait aménager leurs tombes à Abydos. Mais la troisième dynastie préfère finalement Saqqarah, près de Memphis, où est aménagée la première pyramide à degrés pour le pharaon Djezer.
Shunet el Zebib et les mystérieux enclos des premiers pharaons.
Les anciennes nécropoles d’Abydos ont une autre caractéristique. Dans le désert, à 1,5 km de la nécropole de Oumm el-Qu’aa nous venons de parler, se trouve un enclos muré de grandes proportions, appelé Shunet el Zebib par les Arabes. Il couvre une surface d’un-demi ou d’un hectare, et ses murs s’élèvent toujours à plus de onze mètres de haut. Ils comportent par ailleurs une série de pilastres extérieurs, appelés indentations, qui sont typiques de l’architecture palatiale et suggèrent qu’on a cherché à les imiter. L’intérieur apparaît vide, à l’exception d’une petite chapelle mortuaire, mais ont a pu la dater par les inscriptions du roi Khasekehmwy, le dernier pharaon de la deuxième dynastie.



Il s’agissait d’un mystère, jusqu’à ce que le chef de la mission américaine, David O’Connor, ait commencé à fouiller les zones environnantes et a découvert qu’une demi-douzaine d’enclos similaires se trouvaient là. Entre deux de ces enclose, une rangée de 15 navires avaient aussi été enterrés. Il les fouilla et parvint à attribuer chacun d’entre eux à un pharaon different. Il semble que chaque pharaon ait fait construire un enclos, qui fut ensuite rapidement démoli pour la construction de celui de son successeur, expliquant qu’à la fin seul celui du dernier pharaon ait survécu.
Leur fonction reste incertaine, mais on a pu suggérer qu’ils avaient été construits comme enclos palatiaux, ou le corps pouvait reposer jusqu’à ce que sa tombe soit prête à le recevoir. Fait notable, une autre structure identique a aussi été construite à Hierakonpolis par le même pharaon : toutes deux sont certainement liées. D’ailleurs, la pyramide à degré construite à Saqqarah est aussi accompagnée d’un enclose similaire qui pourrait expliquer leur réelle signification.
Abydos, cité sacrée d’Osiris à l’époque pharaonique.
Alors que le temps passe et que les premières dynasties de l’Ancien Empire s’estompent, Abydos perd définitivement son statut de nécropole pharaonique au profit de Saqqarah et de Guizeh, plus loin au nord, près de la nouvelle capitale de Memphis.
Mais en devenant le centre du culte d’Osiris, la ville acquiert une grand importance symbolique. D’où une certaine ambivalence de la place d’Abydos dans l’histoire égyptienne. D’un point de vue politique, la cité n’a qu’un rang secondaire de ville provinciale, bien moindre en comparaison de capitales prestigieuses comme Memphis ou Thèbes. Le sanctuaire d’Osiris, bien que riche, n’est pas l’égal des plus grands temples de Karnak à Thèbes, de Ptah à Memphis ou de Rê à Héliopolis. Mais d’un point de vue religieux, symbolique et culturel, il en va autrement et Abydos surpasse presque toutes les autres cités en valeur symbolique et n’est égalée que par la cité du dieu Rê, Héliopolis. Territoire d’Osiris, elle est dans l’imaginaire des anciens Egyptiens le principal accès vers l’au-delà, vers lequel tous les défunts naviguent pour accéder au monde souterrain et, par delà, à l’éternité.
Le temple du dieu Khentamentiu, puis d’Osiris.
A 1 km au nord-ouest du temple de Séthi Ier, le plus emblématique des vestiges d’Abydos aujourd’hui, se trouve le site de l’ancien temple du dieu Khentamentiu, dans une zone appelée Kom el-Sultan. A partir de la XIIe dynastie (vers -1991 à -1785), ce temple devient le centre du culte d’Osiris.
Le matériel archéologique retrouvé sur le site prouve qu’il a été occupé depuis le début de la Ière dynastie jusqu’à la période gréco-romaine, et que la plupart des rois de l’Ancien Empire, mais aussi de nombreux pharaons du Moyen Empire et du Nouvel Empire, y ont commandité des travaux.
Mais le temple était presque entièrement construit en brique, et seuls certains de ses éléments, comme les portes, étaient en pierre. Par conséquent, les vestiges qui sont parvenus jusqu’à nos jours sont assez maigres. Le temple était enclos dans une grande enceinte de brique crue, qui remonte à la XXXe dynastie (vers -380 à -343).
Le temple portail de Ramsès II.
Situé au sud-ouest à l’extérieur de l’enceinte du temple d’Osiris, le temple portail de Ramsès II présente les restes d’un édifice élevé en calcaire par ce pharaon. Des fouilles ont été menées sur le bâtiment par l’archéologue Flinders Petrie. Celui-ci pensait que les vestiges constituaient une sorte de temple servant de « portail » et marquant l’entrée du cimetière en dehors de l’enclos du temple d’Osiris. Cependant; le plan de l’édifice est différent de tout autre temple égyptien et, comme le notait déjà Flinders Petrie, son organisation pourrait être le résultat de sa fonction comme aboutissement d’une route processionnelle.
Le temple de Thoutmosis III.
Inconnu jusqu’à son repérage en 1996 par l’Institut of Fine Art de Yale en Pennsylvanie, ce temple se situe lui aussi au sud-ouest de l’enceinte du temple d’Osiris. Les fouilles ont retrouvé les vestiges d’une petit temple en calcaire, mesurant environ 9 mètres sur 15, avec une entrée comportant deux colonnes, menant à une chambre intérieure qui se dédoublait en deux sanctuaires. Cette configuration atypique correspondait probablement à un alignement symbolique, qui reste à l’heure actuelle encore obscur. Le temple était précédé d’une avant-cour comprenant deux grands arbres sacrés et un pylône en brique crue épais d’environ 2,5 mètres. Les restes de deux statues colossales de Thoutmosis représenté en Osiris flanquaient l’entrée du temple intérieure. Le temple comportait par ailleurs plusieurs autres éléments architecturaux rappelant le temple du festival royal de Karnak. La qualité de la construction et de la décoration est comparable aux meilleures productions pour ce pharaon à Thèbes, ce qui indique un souci égal de magnificence pour Abydos et pour d’autres cités plus importantes.
Le temple cénotaphe de Séthi Ier.
Ce temple, dont la construction fut initiée par le pharaon Séthi Ier et achevée par son fils Ramsès II, constitue l’un des édifices religieux les plus impressionnants légué par les anciens Egyptiens. Il est construit en calcaire. Aujourd’hui, on l’approche par ses deux cours extérieures ruinées. La première comprenait des bassins pour les ablutions des prêtres. Des rangées d’entrepôts en brique les flanquaient.
Le temple cénotaphe de Ramsès II.
A environ 1 km au nord-ouest du temple de son père Séthi Ier, le pharaon Ramsès II fit construire un plus petit temple de calcaire. Même s’il n’est pas complètement préservé, son plan est reconnaissable et il présente encore de nombreux bas-reliefs, dont certains ont conservé leur polychromie et peuvent atteindre une hauteur de deux mètres.
Le temple avait essentiellement le même objectif que celui de Séthi Ier. Cependant, son plan est plus standard et reprend les plans des temples funéraires royaux contemporains construits à Thèbes.
Le temple commence par deux pylônes et portail de granite ouvrant sur une cour à péristyle, dont les colonnes sont des piliers osiriaques (similaire à ceux que l’on peut voir dans le Ramasséum, le temple funéraire de Ramsès II à Thèbes). La cour se termine sur un portique avec deux chapelles à chaque extrémité : l’une pour Séthi déifié et les ancêtres de Ramsès II, l’autre pour l’Ennéade (groupe de neuf dieux du panthéon égyptien) et Ramsès II. Passé le portique, deux salles hypostyles se succèdent, sur lesquelles s’ouvrent des chapelles pour différentes divinités (notamment celles de Thèbes et d’Abydos).
La décoration du temple, particulièrement bien visible car le temple a perdu son toit, présente des scènes classiques de processions et la bataille de Kadesh contre les Hittites (un épisode marquant du règne de Ramsès II, et une iconographie récurrente dans les monuments de ce pharaon). On y trouve aussi une scène plus atypique, où le roi est représenté devant Osiris et un pilier Djed humanoïde (le pilier Djed est un hiéroglyphe, représentant un arbre en fleur stylisé, et fréquemment utilisé comme un symbole de protection).
Ces bas-reliefs, s’ils ne sont pas aussi complets que des versions similaires au temple de Louxor, au Ramasséum ou à Abou Simbel, sont cependant supérieurs en qualité et comptent parmi les plus remarquables du règne de Ramsès II, grâce à la qualité du calcaire utilisé.
A noter qu’une chapelle en T, séparée du monument et située à son angle nord-ouest, fut construite à une date ultérieure.
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Plus de 120 gravures de navires près du complexe funéraire du pharaon Sésostris III à Abydos (novembre 2016).
Une cité et un cimetière prédynastiques ont été découverts à Abydos (décembre 2016).
Découverte du dépôt de fondation du temple-cénotaphe de Ramsès II à Abydos (avril 2020).
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