Découverte archéologiqueOrient byzantin

A Istanbul, de nouvelles fouilles à l’église Saint-Polyeucte livrent des sculptures byzantines

Des chercheurs turcs ont découvert quatre fragments sculptés remarquablement conservées datant de 1 500 ans lors de fouilles au cœur d’Istanbul. Ils rappellent le souvenir d’une église oubliée qui fut pourtant en son temps la plus grande et la plus somptueuse de la capitale byzantine, et dont les premières fouilles dans les années 60 avaient constitué un événement pour l’archéologie byzantine.


L’église Saint-Polyeucte, joyau de la haute époque byzantine.

L’existence de cette église est lié à la volonté d’une grande aristocrate byzantine, Anicia Juliana, née à Constantinople en 462 et morte en 527 et 528. Cette dame de la haute aristocratie romaine descendait de plusieurs empereurs et pouvait à juste titre se considérer comme d’ascendance plus noble que la dynastie impériale alors au pouvoir sous Justin Ier (518-527).

Elle décide de faire construire une nouvelle église pour y déposer le crâne de saint Polyeucte, un officier romain martyrisé en 259, à l’emplacement d’un édifice plus ancien fondé par son arrière-grand-mère l’impératrice Eudocie, femme de Théodose II, au Ve siècle.

Les travaux s’étalent de 524 à 527 et l’édifice est remarquable à plus d’un égard. Par ses proportions : bien que d’initiative privée, c’est alors la plus grande église de Constantinople. Par son faste et et la qualité de ses décorations, encore visible aujourd’hui. Par son architecture enfin : c’est probablement le premier exemple combinant le plan basical avec le plan à dôme, un plan qui sera ensuite repris par les architectes de Justinien Ier pour les églises de Saint-Serge-et-Bacchus et de Sainte-Sophie.

Reconstitution hypothétique de l’église (intérieur par R.M. Harrison)

La disparition de l’église à l’époque médiévale.

Les piliers dits de Saint-Jean d'Acre, provenant en fait de l'église Saint-Polyeucte.
Les piliers dits de Saint-Jean d’Acre à Venise, provenant en fait de l’église Saint-Polyeucte.

Cependant, bien que Saint-Polyeucte s’établisse parmi les édifices religieux les plus illustres des premiers siècles byzantins, l’édifice semble avoir cessé de fonctionner au XIe siècle et avoir été abandonné. Tombant probablement en ruines, certains de ses éléments sont alors réutilisés pour d’autres monuments, par les Byzantins eux-mêmes ou par les Croisés après la prise de la ville en 1204.

C’est ainsi que des éléments de sa luxueuse décoration sont réutilisés sous les Comnènes pour la construction du monastère du Christ Pantocrator, tandis que d’autres éléments sont dispersés dans différentes cités d’Europe occidentale, et notamment à Venise : appelés Pilastri Acritani, deux colonnes provenant de Saint-Polyeucte sont ainsi encore placés devant la basilique Saint-Marc comme éléments décoratifs et encore visibles aujourd’hui.

Pendant la période ottomane, des maisons et une mosquée sont construites à l’emplacement de l’église. Puis, en 1940, le terrain est nivelé.


Les premières fouilles de l’église Saint-Polyeucte.

Dans les années 60, lors d’un aménagement routier, des premières fouilles sont entreprises. Le site est fouillé méticuleusement entre 1964 et 1969 sous la direction conjointe du musée archéologique d’Istanbul et de l’Institut de Dumbarton Oak à Washington.

Les substructures de l’église en brique sont découvertes, ainsi que des sculptures de marbres de Marmara sont découvertes. Les chercheurs retrouvent aussi des fragments de l’épigramme monumentale de l’église, et qui constitue la principale source d’information sur l’église elle-même, et notamment sur son arrangement intérieur.

Grâce à ces informations, les chercheurs pensent que l’église était construite sur un plan basilical, longue d’environ 52 mètres avec une nef centrale et deux bas-côtés, et précédée d’un grand atrium de 26m de long. Au nord se trouvait peut-être le baptistère de l’église ou le palais d’Anicia Juliana. L’église était peut-être couronnée d’un dôme culminant à 30 mètres. La décoration intérieure, très riche : murs couverts de marbres, incrustation, mosaïques, ivoire, or ont été utilisés pour décorer l’édifice. Les vestiges sculptés mis au jour par les archéologues, dont la plupart ont été transportés à l’issue des fouilles au musée archéologique d’Istanbul, sont témoins de la qualité architecturale et décorative de l’église.

Fragments sculptés byzantins de l'église Saint-Polyeucte de Constantinople
Chapiteau, fragments sculpté comportant une partie de l’épigramme de l’église et une sculpture de paon, fragment de colonne à incrustation de pierres et pate de verre, musée archéologique d’Istanbul.

Les fouilles de 2023.

La reprise des fouilles sur le site, resté un parc archéologique depuis les années 60, est menée par une équipe du patrimoine et de la municipalité d’Istanbul. Les recherches sont actuellement en cours, et la découverte des fragments sculptés en est l’un des premiers résultats.

Ces fragments remonteraient à une période entre le IIIe et le Ve siècles, soit bien avant la période de construction de l’église, et mesurent environ deux mètres de haut. Selon les chercheurs, qui n’ont pas encore fini de les analyser, ils feraient partie de monuments funéraires et sont ornés de divers symboles liés au statut social des personnages dont ils ornaient les sépultures. Ils auraient été réemployés lors de la construction de Saint-Polyeucte.


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