Les villas impériales de Tibère et la grotte bleue de Capri


L’île de Capri, joyau de la mer Tyrrhénienne, se trouve au large de la côte amalfitaine qui ferme au sud la baie de Naples. Elle est réputée depuis l’antiquité pour ses paysages somptueux, avec ses falaises escarpées, ses grottes marines et ses vues panoramiques. A ce titre, elle a inspiré les artistes et écrivains de toutes les époques, et demeure aujourd’hui une destination prisée des touristes.

Durant l’antiquité, l’île fut habitée par les Grecs, puis passa sous la domination romaine. Comme toute la baie de Naples, Capri devient un lieu de villégiature très prisé. Auguste y possédait déjà des villas, mais c’est surtout l’empereur Tibère, qui lui succède en 14, qui va faire de Capri son lieu de villégiature principal. En 26, affecté par la mort de son fils Drusus et excédé par l’hostilité de la population romaine, il décide de se retirer en Campanie. Il réside d’abord dans sa villa de Sperlonga, où il avait déjà effectué de fréquents séjours, avant de s’installer à Capri en 27. Il y demeure la plupart du temps jusqu’à sa mort en 37.

Sa résidence principale est alors la villa Jovis, au nord-est de l’île, mais selon l’historien romain Tacite, Capri comptait en tout 12 villas impériales. Ainsi transformée en une luxueuse retraite, loin des pressions politiques de la capitale romaine, Capri devient le lieu où Tibère peut se consacrer à ses plaisirs – dépravés selon les sources historiques.

Aujourd’hui, seuls les vestiges de trois de ces villas sont parvenus jusqu’à nous dans un état permettant de les reconnaître comme telles.


La villa Jovis, lieu de villégiature principal de Tibère.

La villa Jovis (villa de Jupiter) était la plus grande des 12 villas impériales que Tibère possédait à Capri. Elle se trouvait au nord-est de l’île, au sommet du mont Tiberio atteignant 334 mètres au dessus du niveau de la mer. C’était un gigantesque complexe, couvrant environ 7000 m² et s’étendant sur plusieurs terrasses sur un dénivelé d’environ 40 mètres. Aujourd’hui, ses impressionnants vestiges s’étendent sur huit niveaux et constituent un testament remarquable de l’architecture romaine du Ier siècle.

Le choix de la villa Jovis comme principale résidence par Tibère pourrait s’expliquer par son caractère isolé et difficilement accessible, la rendant difficile à atteindre mais facile à garder. L’empereur craignait en effet d’être assassiné. Tibère gouvernait depuis la villa, se faisant informer des événements de Rome et communiquant ses décisions par un service de poste performant, même si son éloignement laissa les coudées franches au préfet du prétoire, Séjan. Cependant selon Suétone, c’était aussi là que Tibère se livrait aux plus grandes débauches, s’entourant de prostituées males et femelles, meublant la demeure de peintures et de sculptures érotiques, entre autres dépravations.

La partie nord de la villa Jovis comprenait les quartiers d’habitation, alors que sa partie sud était utilisée à des fins administratives. L’aile est servait aux réceptions, alors que l’aile ouest comprenait un grand hall offrant des vues panoramiques sur le paysage. L’alimentation en eau de la villa, qui ne disposait pas d’un approvisionnement naturel, était assuré par un système compliqué de collecte des eaux de pluies et de stockage dans une grande citerne. On trouve aussi les vestiges d’une tour d’observation, servant à échanger des messages avec le continent par des signaux de feu ou de fumée.


La villa Damecuta et la grotte bleue.

Située au nord-ouest de Capri, sur une colline à 150 mètres au-dessus de la mer, la villa disposait d’un quartier scénique, le mieux conservé, dans un style similaire à la Villa Jovis. Il se composait d’une chambre, précédée d’un vestibule et d’une terrasse panoramique suspendue au-dessus du précipice. Des traces de cendres montre que la zone a été endommagé par l’éruption du Vésuve de 79 qui détruisit Pompéi. Les fouilles archéologiques, commencées en 1937 sous la direction d’Amedeo Maiuri, ont mis au jour des sols en marbre, des stucs, des décorations et œuvres d’art qui attestent de son caractère somptueux.

Malheureusement, le temps s’est montré moins clément que pour la Villa Jovis. Au XIIe siècle, pour défendre l’île contre les pirates sarrasins, une tour est construite dans les ruines de la villa. Puis, lors des guerres entre les Bourbons du royaume de Naples et les Anglais, des fortifications sont construites qui ont gravement endommagé les vestiges romains.

Une particularité de la villa Damecuta est sa connexion avec la grotte bleue (Grotta Azzurra en italien). Cette grotte maritime se trouvait en contrebas de la villa, à laquelle elle était certainement reliée à l’époque romaine. Par un jeu de lumière, l’eau y a une couleur bleue particulièrement lumineuse. La grotte mesure environ 60 mètres de long sur 25 de large. A l’époque de Tibère, la grotte était utilisée comme un nymphée, une sorte de temple marin et de lieu de baignade personnel de l’empereur, décrit par Pline l’Ancien. Des vestiges remontant à cette époque ont été retrouvés dans la grotte, notamment trois statues représentant les dieux de la mer Neptune et Triton, puis en 2009 et 2024, des bases de statues et des éléments sculptés y sont retrouvés. Un projet encore devrait réinstaller des statues sur le site pour restituer son aspect à l’époque romaine.


Le Palazzo a Mare, le palais de la mer.

Situé sur la côte nord de l’île, ce palais impérial fut à l’origine construit par Auguste, puis modifié par Tibère. Il s’étendait sur une vaste superficie, couvrant plusieurs terrasses sur des falaises surplombant la mer. Le palais comprenait notamment un nymphée (une grande fontaine) semi-circulaire.

La partie ouest de l’édifice est la mieux préservée, tandis que la partie orientale de l’ouvrage s’est largement écroulé dans la mer. Par conséquent, si de nombreux fragments de murs gisent dans l’eau, il est difficile de les attribuer à telle ou telle partie de l’édifice. Des fouilles archéologiques ont été menés sur les ruines de la villa par Amedeo Maiuri à partir de 1932.