Oxyrhynque et ses papyrus gréco-romain, un site archéologique unique
Oxyrhynque est le nom francisé d’Oxyrhinchus (du grec ancien : nez pointu). Le nom égyptien de cette ancienne cité était Per-Medjed, c’est à dire la « maison de Medjed ». Cette divinité correspondait à l’oxyrhynque, un poisson… au nez pointu. La ville se situait sur une branche secondaire du Nil, aujourd’hui asséchée, et se trouve à environ 160 km au sud du Caire. L’agglomération moderne, qui occupe le site de la ville antique, se nomme Al-Bahnasah.
Durant l’antiquité, et particulièrement pendant la période gréco-romaine, Oxyrhynque était une cité de premier plan. Mais c’est surtout un haut lieu de l’égyptologie : en effet, on y a découvert depuis plus d’un siècle des milliers de papyrus des périodes grecques et romaines qui constituent un corpus gigantesque livrant des perspectives remarquables sur la société égyptienne de cette époque, ainsi que des textes inédits de la littérature antique ou biblique. Ce potentiel archéologique immense explique que les fouilles se soient poursuivies presque sans interruption sur les sites de cette ancienne cité depuis plus d’un siècle.
Oxyrhynque, une importante cité gréco-romaine.
L’ancienne cité se situe sur une branche secondaire du Nil, qui se jette dans le lac Moéris et l’oasis du Fayoum. L’importance d’Oxyrhynque en comparaison de nombreuses autres cités de l’Egypte ancienne est cependant assez récente. La ville apparaît pour la première fois dans les sources hiéroglyphes pendant la XXVe dynastie (la période des pharaons noirs) sous le nom de Per-Medjed. Il est possible que la cité trouve son origine dans l’établissement d’un campement de mercenaires nubiens chargés de garder la frontière et de protéger la route de caravanes allant d’Oxyrhynque à l’oasis de Bahariya dans le désert libyen.
La ville avait cependant déjà acquis de l’importance durant la période saïte (-664 à -525). C’était alors un grand centre connectant les routes caravanières vers les oasis de l’ouest au port sur le canal Josef, permettant par delà de rejoindre la Méditerranée. C’est à cette époque que la divinité tutélaire du nome d’Oxyrhynque change : ce n’est plus le dieu du désert, Seth, mais le dieu-poisson oxyrhynque, marquant l’affirmation de la cité homonyme.
La cité acquiert surtout de l’importance après la conquête de l’Egypte par Alexandre le Grand en -332. Elle est alors refondée sous le nom grec d’Oxyrhynchon Polis (« la ville du poisson à nez pointu ») et attire un grand nombre de colons grecs. Très vite, la population explose et Oxyrhynque devient une capitale régionale prospère, devenant même la deuxième ou troisième plus grande cité d’Egypte.
Elle continue à jouer un rôle majeur, quoique progressivement déclinant, aux époques romaines et byzantines. Avec la christianisation de la vallée du Nil, Oxyrhynque se couvre d’églises et de monastères. C’est la conquête arabe de 641 qui met un terme à l’importance de la ville. Le réseau de canaux dont dépendant la ville est en effet progressivement abandonné, entraînant le départ progressif de la population urbaine.
Les papyrus d’Oxyrhynque : lorsqu’une décharge devient une mine archéologique.
Pendant plus de mille ans, les habitants de la ville déversèrent leurs déchets dans une série de sites dans le désert bordant la ville. Or la ville ne se trouve pas directement sur les bords du Nil, un détail qui a son importance. En effet, les terres n’étaient pas affectées par la crue annuelle du Nil, au contraire de la plupart des autres villes égyptiennes proches de ses berges. Quand le canal s’assécha, la nappe phréatique s’abaissa et son niveau ne remonta plus. La région ne recevant naturellement aucune précipitation, les détritus restèrent en place, furent graduellement recouverts par les sables et préservés pendant plus d’un millénaire.
Or, durant la période gréco-romaine, Oxyrhynque est la capitale d’un nome et par conséquent, un grand centre administratif. Les décharges de la ville comportaient donc beaucoup de textes bureaucratiques : comptes-rendus, recensements, factures, reçus, relevés de taxes, correspondance sur des questions administratives, religieuses, militaires, économiques et politiques, certificats, licences… Tous ces documents étaient périodiquement évacués des archives gouvernementales, placés dans des paniers d’osier et déversés dans le désert. Les habitants de la ville avaient eux aussi leurs propres papiers, devenant progressivement obsolètes. Comme le papyrus était un matériau relativement cher, les papiers étaient souvent réutilisés et un document peut comporter des textes de nature très différents sur une face et sur l’autre.
La collection de papyrus, connue sous le nom d’Helléniques d’Oxyrhynque, présente ainsi un état complet de la ville, et par-delà de la civilisation dont elle fait partie.
Archéologie d’Oxyrhynque
Le site même d’Oxyrhynque n’a jamais été fouillé car la ville moderne est bâtie au-dessus de la ville ancienne. Il est admis que la ville devait comporter de nombreux édifices publics, dont un théâtre d’une capacité de 11000 spectateurs, un hippodrome, quatre thermes, un gymnase et deux appontements sur le canal. Il est probable qu’on y trouvait aussi des casernes, car la ville hébergea une garnison à plusieurs reprises durant les périodes romaines et byzantines. Avant la christianisation, la cité comptait aussi de nombreux temples dédiés à Sérapis, Zeus Ammon, Héra-Isis, Atargatis-Bethnis et Osiris, mais aussi Déméter, Dionysos, Hermès, Apollon, Jupiter capitolin et Mars. A l’époque chrétienne, Oxyrhynque devient le centre d’un évêché et la ville compte encore de nombreuses églises coptes.
C’est lors d’expédition d’Egypte que Dominique Vivant Denon (1747-1825) identifie correctement pour la première fois le site d’Oxyrhynque. Depuis 1897, des fouilles plus ou moins régulières ont eu lieu sur le site, notamment pour y chercher des papyrus.
En 1922, lorsque le grand égyptologue Flinders Petrie visite le site, il vit encore les restes de colonnades et du théâtre antiques. Aujourd’hui, une seule colonne demeure, les matériaux des autres vestiges ayant été réemployés pour la construction de bâtiments modernes. Cependant, les nécropoles de la cité font l’objet de fouilles, ainsi que les différents sites ayant servi de décharges à papyrus. Ces recherches livrent régulièrement des découvertes, parfois très importantes.