L’effondrement des cités mayas éclairci par un mystérieux pectoral royal ?
En 2015, sur le petit site maya de Nim Li Punit, au sud du Bélize, un bijou royal de première importance est découvert. Le professeur Braswell, de l’université de San Diego, qui fouille le site depuis 2010, vient de co-publier deux articles revenant sur l’importance de cette découverte et sur ce qu’elle peut nous apprendre sur ce site et la civilisation maya.
La découverte d’une tombe intacte
Ce n’est pas une découverte ordinaire pour Georges Braswell lorsqu’en fouillant un palais édifié vers 400, son équipe met à jour en 2015 ce qui semble être une tombe intacte. Remontant aux années 800, elle ne contient pas de restes humains, à part quelques dents. En revanche, elle renferme 25 poteries, une grande pierre taillée pour ressembler à une divinité, et un précieux bijou de jade.
Il s’agit d’un pectoral destiné à être porté par le roi lors de cérémonies religieuses importantes. Il mesure presque 19 cm sur 10 cm pour seulement 7,5 mm d’épaisseur. Sa taille en fait le deuxième plus grand pendentif de ce genre jamais découvert au Bélize.
Outre la finesse technique du bijou, dont le jade proviendrait du Guatemala, ce qui le rend unique sont les 30 hiéroglyphes qui y sont gravés et qui nous informent sur l’identité et l’origine de son premier possesseur.
De plus, la tombe est intacte – tout comme les sépultures récemment découvertes à Holmul – et les objets qui s’y trouvent ont donc été découvert dans leur contexte archéologique, ce qui est notable dans une région où le pillage est endémique
Mais que fait un objet d’une telle rareté sur un site de second ordre ?
Nim Li Punit, une cité d’importance moyenne
Ce petit site situé près du village d’Indian Creek, au sud du Belize, ne compte pas parmi les grands centres de la civilisation maya. Son nom moderne signifie « grand chapeau » et fait référence à la coiffe élaborée figurée sur un bas-relief découvert en 1976. Son nom ancien était peut-être Wakam ou Kawam.
Il fut occupé à partir de 150 et atteint son apogée durant la période classique tardive. A cette époque, on pense qu’entre 5000 et 7000 personnes y vivaient. Il semble que ses premiers habitants soient venus du Guatemala, comme pour le site voisin de Lubaantun, et qu’ils aient parlé le dialecte Cholan.
Au cours du IXe siècle, comme bien d’autres sites au cours de ce que l’on appelle l’effondrement de la civilisation classique maya, Nim Li Punit est assez brusquement abandonné.
Une inscription encore mystérieuse
L’inscription que comporte le dos du pectoral n’est pas encore complètement déchiffrée à l’heure actuelle – et son sens est débattu. L’interprétation avancée par Braswell et Christian Prager, de l’université de Bonn, qui a signé la publication avec Braswell, est que le bijou a été réalisé pour le roi Janaab’ Ohl K’inich, et a été porté pour la première fois lors d’une cérémonie de dispersion d’encens.
En plus, le texte décrit le lignage du roi, impliquant que sa mère venait de Cahal Pech, à environ 90 km au nord-ouest. et que son père, décédé avant ses 20 ans, pourrait être originaire d’une cité située dans l’actuel Guatemala. Le texte décrirait aussi les rites d’accession du roi, en 647 et s’achève sur une référence possible à la cité de Caracol, située à une cinquantaine de kilomètres.
Comment le bijou s’est-il retrouvé à Nim Li Punit ?
Braswell n’exclue pas que le pectoral ait pu être volé dans une cité importante et ramené à Nim Li Punit, mais il privilégie deux autres hypothèses. La première, que le pendentif est été amené par un roi, peut-être même Janaab’ Ohl K’inich lui-même, Nim Li Punit. A l’appui de cette possibilité, le fait que ce n’est qu’après le VIIe siècle que d’autres hiéroglyphes et figurations de la dynastie royale apparaissent sur des stèles ou des sculptures. La deuxième, qu’une grande cité ait voulu s’allier à Nim Li Punit ou y asseoir son influence, et que le pendentif ait alors été offert à son souverain.
Dans les deux cas, le bijou met en lumière des liens étroits et jusqu’alors inconnus entre Nim Li Punit et d’autres sites du nord et de l’ouest du Belize ; jusqu’alors les chercheurs se seraient plutôt attendus à ce que la cité soit connectée à des sites plus proches situés au sud et à l’ouest.
Un pectoral lié au dieu du vent ?
Reste à savoir pourquoi ce bijou rare et précieux a finalement été enterré. Là encore, pas d’explication définitive, mais une hypothèse s’appuyant sur un faisceau d’indices. Tout d’abord, la forme du pendant : un T, ce qui correspond au glyphe maya « ik' », qui signifie « vent et respiration ». Or, la tombe se trouvait dans une curieuse plateforme en T ; à l’intérieur, parmi les poteries qu’elle renfermait, se trouvait aussi un récipient au bec en forme de visage, figurant probablement le dieu maya du vent.
Le vent était un élément vital pour les Mayas. Il amenait la mousson – il pleut neuf mois par an à Nim Li Punit – et permettait les récoltes. Les rois mayas, dont le rôle divin s’étendait à la météo, réalisaient des rituels selon le calendrier sacré, brûlant et dispersant de l’encens pour faire venir les vents et les pluies. Ce serait d’ailleurs au cours d’un tel rituel que le pectoral aurait été utilisé la première fois, en 672. Deux bas-reliefs retrouvés à Nim Li Punit montrent aussi le roi portant un pectoral en forme de T, en 721 et 731, soit 50 et 60 ans après qu’il ait été porté pour la première fois.
Une offrande liée à l’effondrement de la civilisation maya ?
Or ce pectoral de grande valeur, tant matérielle que symbolique et spirituelle, est finalement enterré en compagnie d’autres objets mais, à ce qu’il semble, sans dépouille humaine. Georges Braswell, sans pouvoir en apporter la preuve, tendrait à y voir une offrande au dieu du vent. Pourquoi ? A l’époque où le bijou est inhumé, vers 800, l’effondrement de la civilisation classique a déjà commencé. Les guerres et les troubles sont nombreux, les royaumes s’effondrent et les cités sont abandonnées.
Une des causes avancées pour cet effondrement est un changement climatique, qui aurait affecté la production alimentaire et n’aurait plus permis d’assurer la subsistance des populations de cités densément peuplées. Dans ce tel contexte, au cours d’une année ou d’un cycle particulièrement difficile, les Mayas auraient alors jugé nécessaire de faire une telle offrande au dieu du vent, qui amenait la pluie annuelle.
Une offrande qui n’aurait pas eu le succès escomptée : en l’espace d’une génération, Nim Li Punit est à son tour désertée à jamais.