Des études ADN élucident le lien de parenté de deux momies égyptiennes
Le lien familial entre deux momies égyptiennes, connues depuis un siècle sous le nom des « Deux Frères » et conservées à Manchester a été finalement éclairci grâce à une nouvelle étude ADN menée par l’université de cette ville anglaise.
Une tombe commune découverte en 1906.
L’archéologue anglais Flanders Petrie, que l’on peut considérer comme le père de l’égyptologie moderne, et qui a notamment fouillé les nécropoles prédynastiques d’Abydos, fut actif sur de nombreux sites au début du XXe siècle. Il fouilla ainsi les nécropoles de l’ancienne ville de Shashotep (ou Hypselis), en Moyenne-Egypte, aujourd’hui situées autour du village de Deir Rifeh. Elles remontaient principalement à trois périodes : la première période intermédiaire, le Moyen Empire et l’époque romaine.
Parmi les tombes fouilles, celle appelée tombe des « deux frères » est l’une des plus remarquables que Flanders Petrie découvre. Cette petite chambre funéraire, placée dans la cour d’une tombe plus grande qui appartenait peut-être au gouverneur du nome, remonte à la XIIe dynastie (vers – 1985 à -1773) et n’a pas été pillée.
Les archéologues y découvrent les momies (en mauvais état) de deux hommes, enfermées dans deux doubles sarcophages. A leur côté se trouvent des vases canopes, des ouchebtis, des modèles de bateaux et des poteries. L’intégralité du mobilier découvert est transféré au musée de Manchester et la tombe des « Deux frères » compte parmi les ensembles funéraires les mieux conservées et les mieux étudiées du Moyen Empire.
Frères ou pas ? L’ombre d’un doute.
On connaissait l’identité des deux hommes par les inscriptions de la tombe : il s’agissait de Nakht-Ankh et Khnum-Nakht, décrits comme ayant la même mère (nommée Khnum-Aa) et comme étant « fils d’un gouverneur » – sans qu’il soit très clair s’il s’agissait d’un seul homme. D’après les bandelettes, Khnum-Nakht était mort le premier à l’âge d’environ 40 ans, suivi quelques mois plus tard par Nakht-Ankh, alors âgé de 60 ans.
En découvrant la tombe, les archéologues ne s’étaient pas embarrassés de subtilité, et avaient décidé qu’il s’agissait de deux frères car ils étaient inhumés côte à côte et partageaient la même mère.
Mais par la suite, des différences relevées dans la forme des crânes ou des os des squelettes avaient jeté un doute, amenant certains chercheurs à considérer que les deux hommes n’avaient même aucun lien de parent, et que les inscriptions étaient trompeuses. En 2014, une étude de l’ADN mitochondrial (marqueur maternel) des momies avait même suggéré qu’au moins l’un des deux hommes, voire les deux, n’était pas apparenté à Khnum-Aa.
Les nouvelles analyses ADN menées sur les dents des momies par les chercheurs de l’université de Manchester viennent donc lever un doute. Elles ont conclu que les deux hommes étaient bien apparentés, mais que s’ils étaient nés de la même mère, ils avaient en revanche des pères différents.
Ils expliquent les différences avec l’étude précédente par une possible contamination de l’ADN ancien, extrait d’échantillons foie et des intestins.
Une marque de l’importance du lignage maternelle.
Outre la confirmation que les inscriptions de la tombe sont correctes, cette étude souligne aussi l’importance de l’héritage maternel dans l’Egypte ancienne. Ainsi, seul le nom de Khnum-Aa est mentionné par les inscriptions. Les pères des défunts, quoique probablement de haut rang, ne sont pas individualisés et peut-être considérés comme des membres périphériques de la famille.
Selon Campbell Price, co-auteur de l’étude, « le pouvoir a pu être transféré par la ligne maternelle plutôt que par l’héritage de la position de son père par le fils ». Selon l’égyptologue Joann Fletcher, de l’université de York, d’autres sources documentaires égyptiennes accordent la prééminence au lignage maternel, comme les listes officielles des premiers pharaons, dont les noms sont accompagnés par ceux de leurs mères, tout comme ceux des individus cités n’appartenant pas à la famille royale ».