Identification des restes de la momie de Nefertari
C’est l’une des plus célèbres reines d’Egypte, aux côtés d’Hatshepsout, Nefertiti et Cléopâtre. Il y a plus de 3000 ans, Nefertari était l’épouse favorite du pharaon Ramsès II, le plus grand souverain de la XIXe dynastie et du Nouvel Empire, qui régna vers -1250. Lorsque sa tombe fut fouillée au début du XXe siècle, on y retrouva parmi de nombreux vestiges quelques restes momifiées, ouvrant un débat parmi les chercheurs : appartenaient-ils, oui ou non, à l’épouse de Ramsès ? Aujourd’hui, une étude scientifique pluridisciplinaire a tenté de percer le mystère.
Nefertari, épouse favorite de Ramsès II.
Néfertari, célébrée dans l’antiquité pour sa beauté, ne semble pas être issu de la famille royale – ou du moins pas de sa lignée principale – tout comme l’autre épouse du pharaon, Isisnofret.
Néfertari épousa Ramsès alors qu’il n’était que le prince-héritier. Lorsque le jeune homme succède à son père Séthi Ier, il devait avoir autour de 25 ans. Son épouse devait avoir le même âge, ou être un peu plus jeune. Néfertari donna naissance à quatre filles et quatre fils, qui furent toujours privilégiés à ceux d’Isisnofret dans la ligne de succession – même si c’est un fils de cette dernière, Merenptah, qui succède finalement à Ramsès II.
La présence de Néfertari est attestée à la cérémonie d’inauguration des temples rupestres d’Abou-Simbel en l’an 24 du règne de Ramsès II, soit vers -1255. En revanche, elle n’apparaît plus par la suite, ce qui laisse penser que sa mort est survenue autour de l’an 25, alors qu’elle avait atteint un âge situé entre 40 et 50 ans.
Traditionnellement, la grande épouse royale joue un rôle de premier plan en Egypte, conseille le roi et joue un rôle symbolique et religieux important. Il est attesté que Nefertari joua aussi un rôle en matière d’affaires étrangères et entretint des correspondances avec les souverains hittites ; son influence sur son époux et les affaires égyptiennes fut probablement importante, d’autant plus qu’elle était la mère du prince-héritier.
La découverte de la tombe QV 66
La place privilégiée que tenait Néfertari auprès de Ramsès II s’illustre aussi par la magnificence de sa tombe, une des plus belles de la Vallée des Reines. Elle fut découverte par Ernesto Schiparelli (1856-1928) et désignée sous le terme peu romantique de QV 66.
La sépulture avait alors perdu son entrée originelle et avait été pillée dès l’antiquité, mais elle conservait de splendides peintures. A l’intérieur se trouvait une série de vestiges brisés laissés par les pilleurs, parmi lesquels se trouvaient notamment un sarcophage de granite rose endommagé, des meubles cassés, des jarres, des shabtis. On y découvrit aussi une paire de sandales et des fragments momifiés. Tous ces vestiges avaient été expédiés au musée égyptien de Turin, où ils se trouvent encore aujourd’hui, et depuis lors se posait chez les historiens la question de savoir si ces restes humains appartenaient à la reine, ou non.
L’approche pluridisciplinaire et ses résultats
Il convient d’abord de dire que tous les résultats n’ont pas été concordants et que l’analyse génétique n’a pu livrer de résultat car les échantillons étaient contaminés.
- Les datations au carbone 14 ont livré des résultats antérieurs à la chronologie connue de Néfertari. Cependant, les limites des datations au carbone 14 en égyptologie a déjà été relevée et plusieurs facteurs peuvent influencer la datation : régime alimentaire dominé par le poisson, utilisation d’agents d’embaumement plus anciens, contamination par des sédiments provenant de coulées de boues liées aux intempéries…
- L’examen des restes humains et leur passage aux rayons X semble confirmer qu’ils appartiennent à un seul individu, présentant des impacts de multiples fractures, probablement post-mortem. Une légère sclérose a été relevée, ce qui laisserait penser que la personne avait plus de 40 ans. Par ailleurs, une légère maladie des os à été détectée, pouvant correspondre à plusieurs maladies. Certaines, comme l’ostéoarthrose, correspondraient à la vie d’une personne de haut rang comme Néfertari ne pratiquant que peu d’exercices physiques.
- La reconstruction anthropométrique à partir des genoux laisse penser que l’individu devait mesurer entre 165 et 168 cm. La comparaison de leur taille à des échantillons modernes et antiques indique – avec une certitude de l’ordre de 90% qu’ils appartenaient à une femme, aussi grande que la majorité des hommes de son époque.
- L’étude indépendante des sandales, qui considère qu’elles appartenaient à un individu mesurant environ 165 cm, corrobore cette dernière donnée.
- L’examen des objets de la tombe :
Outre des fragments de sarcophage, la tombe contenait aussi 34 shabtis de bois, deux couvercles de cercueil, du textile, des poteries brisées et des fragments de statue en bois et des sandales. Presque tous portent le nom de la reine où sont réalisés dans le style propre à la XIXe dynastie à laquelle appartenait Ramsès II. Deux faits surprenants, le pommeau de faïence portant le nom d’Ay, pharaon de la XVIIIe dynastie, et la maigre qualité des shabtis, qui ne semble pas correspondre aux funérailles d’une grande reine. En revanche, les sandales, qui portent des traces d’usure, sont d’un style appartenant à la XVIIIe et XIXe dynastie et leur qualité plaide en faveur d’un possesseur royal. Les chercheurs considèrent donc traditionnellement que tous ces objets appartenaient à l’origine à la tombe de la reine.
- L’analyse chimique des agents d’embaumement paraît cohérente avec les pratiques du Nouvel Empire, qui n’utilise pas de bitume et peu de résines. L’agent d’embaumement principal utilisé pour les fragments de momie retrouvés semble être la graisse animale. Ces résultats correspondent aux pratiques de la XIXe et XXe dynasties.
Les hypothèses en présence.
Alors, à qui appartiennent ces restes ? Les auteurs de l’étude ont examiné plusieurs hypothèses, mentionnées ici de la moins plausible à la plus vraisemblable.
- Un second enterrement dans la tombe de la reine : cette hypothèse n’est pas soutenable au vu des datations au carbone 14 et de l’archéologie.
- Des restes provenant d’une sépulture de la XVIIe ou XVIIIe dynastie : cette hypothèse s’appuierait principalement sur les résultats du carbone 14 et considérerait que les restes momifiés aient pu être emportés dans la tombe de Néfertari par des coulées de boues – fréquentes dans la Vallée des Reines depuis l’antiquité. Cependant, le matériel archéologique ne soutient pas cette hypothèse, et la tombe QV 66 se trouve plus haute que la plupart des tombes de la XVIIe et XVIIIe dynasties.
- Les restes de Néfertari et de l’une de ses filles : il ne pourrait s’agir ni de Meritamon, ni de Nebettaui, qui ont chacune leur propre tombe dans la vallée des Reines. Baketmus ou Henuttaui auraient pu être enterrées avec leur mère, et leurs momies démembrées par les pilleurs ; cependant cette hypothèse n’est en rien corroborée par l’archéologie, puisque aucun objet ou inscription ne peut être lié aux filles de la reine.
Le scénario gagnant : Néfertari
En se fondant sur l’ensemble de leurs études, et sans pouvoir l’assurer avec certitude, les chercheurs retiennent finalement l’hypothèse que les restes momifiés appartiennent bien à Néfertari.
Ils avancent aussi le scénario suivant : Néfertari, morte entre 40 et 50 ans, a été embaumée et placée dans des cercueils de bois, eux-mêmes enfermés dans un sarcophage de pierre portant son nom, dans la tombe QV 66. Les pilleurs ont brisé le sarcophage de pierre, retiré les cercueils et démembré la momie pour en retirer les bijoux précieux, jetant les restes au sol. Le mobilier de valeur a été emporté et seuls les objets de bois, argile ou pierre a été abandonné. Dans la confusion, quelques bijoux funéraires ont été perdus. Plus tard, des intrusions d’eau ont gravement endommagé la tombe, laissant une couche de débris sur le mobilier originel.
Sans pouvoir afficher de certitude, le faisceau d’indices livré par l’examen scientifique des restes de la tombe QV 66 penche donc en faveur de leur attribution à Néfertari. Sic transit gloria mundi, ainsi va la gloire du monde : d’une des reines les plus célèbres de l’antiquité, dont la tombe et le matériel funéraire devaient assurer la survie dans l’au-delà, il ne reste plus qu’une paire de genoux.
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