Kit de momification du vizir Ipi redécouvert à Deir el-Bahari
La pratique d’embaumer les corps des défunts pour les préserver est l’un des aspects les plus frappants des rites funéraires de l’Égypte antique. Si l’on connaît assez bien les techniques utilisées, qui ont considérablement évolué au cours du temps, la découverte d’un kit de momification presque complet dans la tombe d’un vizir du Moyen Empire représente une aubaine pour l’avancée de nos connaissances en la matière.
La tombe d’Ipi à Deir el-Bahari.
Ipi était un vizir qui a probablement vécu sous le règne d’Amenemhat Ier (-1991 à -1962), pharaon de la XIIe dynastie. Sa tombe se trouve dans la falaise de Deir el-Bahari, une zone de la nécropole thébaine surtout connue pour abriter les complexes funéraires de plusieurs pharaons, dont celui de la célèbre reine Hatshepsout.
La tombe d’Ipi se compose d’une grande cour, d’un couloir, d’une chapelle et d’une chambre funéraire. Seule cette dernière était décorée et comportait des inscriptions nous renseignant sur le possesseur de la tombe. Dans la cour se trouvait aussi la tombe d’un serviteur d’Ipi nommé Meseh (où fut découvert le papyrus Heqanakht) ainsi qu’une salle auxiliaire. C’est à l’intérieur de celle-ci que les archéologues ont retrouvé une table d’embaumement ainsi que tout le matériel qui fut utilisé pour la momification du vizir.
Une redécouverte.
C’est dans le cadre du Projet thébain du Moyen Empire, une mission internationale sous l’égide de l’université espagnole d’Alcalá, que cette découverte majeure a été réalisée.
Il ne s’agit cependant pas à proprement parler d’une découverte : la cinquantaine de jarres et le reste du matériel avaient déjà été repérés en 1921 et 1922 par l’égyptologue américain Herbert Winlock dans une salle auxiliaire, au coin nord-est de la cour supérieure de la tombe d’Ipi. Elle avait été laissée en l’état, et depuis la cour de la tombe avait été recouverte par le sable et presque oubliée pendant près d’un siècle.
Un kit de momification complet.
Cette (re)découverte est une aubaine pour les archéologues, qui se trouvent en présence d’une sorte de cliché du matériel utilisé pour momifier les défunts au Moyen empire, sous la XIIe dynastie.
En effet, tout le matériel utilisé pour la momification du vizir y a été déposé :
- près de soixante jarres contenant le matériel d’embaumement
- des tissus : bandelettes, draps en lin long de quatre à six mètres, morceaux de tissu destinés à entourer les doigts ou les orteils… Le linceul du vizir, long de près de dix mètres, a aussi été retrouvé.
- des substances utilisés pour traiter le corps : près de 300 sacs de natron, d’huiles, de sable et d’autres produits intervenant dans le processus de momification.
- des outils, notamment des grattoirs.
Le matériel était souvent décoré d’ankhs, et comportait parfois d’autres inscriptions.
Le cœur momifié du vizir Ipi.
Parmi tous ces vestiges, l’équipe a également fait une découverte plutôt surprenante et pense avoir identifié le cœur momifié du vizir.
Lors de la momification, les anciens Égyptiens retiraient les organes principaux du corps. Ceux considérés comme peu nobles, comme le cerveau, n’étaient pas conservés. Les autres étaient embaumés et placés dans les vases canopes qui accompagnaient le défunt dans sa tombe.
Or le cœur était un organe de première importance. Les Égyptiens pensaient qu’il était le siège des sentiments et qu’il serait pesé sur la balance lors du jugement de l’âme, selon le livre des morts, permettant ou non au défunt d’accéder à l’au-delà. Pour cette raison, il était souvent embaumé séparément puis replacé dans la momie.
Peut-être ne saura-t-on jamais pourquoi il avait été placé dans cette salle auxiliaire de la tombe. Mais l’étude de l’ensemble du matériel qui y a été découvert permettra sans doute une meilleure compréhension des techniques de momification en usage pour l’aristocratie durant le Moyen Empire.