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Au Pérou, des pétroglyphes géométriques pourraient représenter d’anciens chants

Toro Muerto : le taureau mort. Un nom peu engageant pour un site archéologique de la province de Castilla, au Pérou, qui contient plus de 6000 roches volcaniques gravées de pétroglyphes. Ces gravures remontent à la culture Wari (ou Huari), une civilisation de l’Horizon moyen qui a prospéré entre VIe et le XIIIe siècle. En se fondant sur des comparaisons avec d’autres cultures américaines, des chercheurs suggèrent que les motifs géométriques présents sur ces reliefs pourraient être une représentation visuelle de chants et de chansons.


Les Wari, une des plus grandes civilisation andine.

Cette civilisation s’est épanouie dans les Andes centrales. On la considère comme la plus grande civilisation de la région andine après la disparition de la culture Moche. Les Wari ont développé une société complexe, basée sur l’agriculture et le commerce. Leur organisation politique et administrative était centralisée autour de grands centres urbains, comme Wari, Pikillacta ou Conchopata, et ils sont parvenus à dominer une vaste région s’étendant du nord au sud de l’actuel Pérou. Leur art et leur architecture étaient également remarquables.

A partir du XIe siècle, la civilisation Wari décline et finit par disparaître au XIIIe siècle pour des raisons encore mal comprises. Cette période de désintégration est marquée par la multiplication d’établissements fortifiés appelés pukaras. Cependant cette culture laisse un héritage important pour les cultures ultérieures de la région andine.


Des pétroglyphes qui pourraient représenter d’anciens chants.

C’est une nouvelle étude publiée dans le Journal Archéologique de Cambridge qui le suggère. Il faut notre que l’une des caractéristiques uniques de l’iconographie des reliefs de Toro Muerto sont des images de figures anthropomorphes dansantes, connues sous le nom espagnol de danzantes. Ces représentations sont accompagnées de motifs géométriques variables, pouvant être des lignes en zigzag ou parfois des points ou des cercles. Jusqu’alors, les chercheurs interprétaient les lignes en zigzag pouvaient symboliser des serpents ou des éclairs, avec une association possible aux cultes de la fertilité et de l’eau.

Cependant, en se fondant sur des parallèles avec le peuple Tukano, vivant dans la forêt amazonienne en Colombie, les auteurs de l’étude suggèrent que les pétroglyphes de Toro Muerto sont des représentations abstraites d’anciens chants et chansons. Dans l’art tukano, les motifs sont ancrés dans des expériences visionnaires provoquées par la consommation rituelle de la boisson psychoactive yajé, fabriquée à partir d’une liane. Ils mettent en scène des cercles concentriques, des points, des lignes ondulées, des zigzags et des motifs crénelés, qui renvoient à des mythes de création qui étaient les sujets de danses et de chansons chantées par les Tukanos au son d’instruments de musique.

Par ailleurs, différents exemples d’iconographie mésoaméricaine (Maya, Mixtèque et Nahua) figurent de tels points ou lignes (ou parfois des spirales) qui pourraient elles aussi être la forme visuelle de chansons, comme représentation de la sphère sonore.

Compte tenu de l’importance de cette sphère sonore, y compris des chansons, dans les cultures d’Amazonie et des Andes, les auteurs de l’étude soutiennent que la représentation graphique de chants dans des pétroglyphes pourrait ne pas être un phénomène unique et pourrait avoir existé dans diverses autres cultures, y compris en ce qui concerne la culture Wari à Toro Muerto.

Dans notre étude, nous montrons que certaines images géométriques pourraient avoir été des représentations ou des incarnations de chansons elles-mêmes, en leur propre droit, indépendamment de toute représentation de bouches ou de corps. Nous basons cette étude sur le cas des pétroglyphes de Toro Muerto au Pérou, tandis que la source de notre proposition interprétative est la connaissance ethnographique, plus précisément une analogie ethnographique d’Amazonie, spécifiquement l’art du peuple Tukano.

A. Rozwadowski & J.Z. Wołoszyn, auteurs de l’étude

En étendant cette hypothèse, ils proposent également que certaines compositions complexes mettant en scène des danseurs et des motifs géométriques linéaires, pourraient symboliser le voyage vers l’au-delà.

Crédits photographiques : A. Rozwadowski et article source dans le Journal Archéologique de Cambridge (en anglais).

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