Un mausolée sauvé des eaux d’un barrage en Anatolie
Il y a quelques mois, je vous rapportais l’un des dangers – parmi bien d’autres – que courait le patrimoine de la petite ville d’Hasankeyf, dans la province de Batman en Anatolie. La construction d’un barrage sur la rivière Ilısu menace de submersion de nombreux vestiges du passé. L’un des plus emblématiques, un mausolée vieux de 550 ans, vient cependant d’être sauvé des eaux.
Le sauvetage de la tombe de Zeynel Bey.
Ce mausolée, vieux de 550 ans, était particulièrement menacé. Il aurait été construit pour abriter la dépouille d’un fils d’Uzun Hassan, fondateur de la dynastie d’Aq Qoyunlu, mort lors d’une bataille contre les Ottomans en 1473. Revêtu de faïence bleue et décoré d’inscriptions, le monument est considéré comme l’un des premiers mausolées de son genre en Anatolie.
Construit pour abriter la dépouille de Zeynel Bey, le fils d’Uzun Hassan, fondateur de la puissante dynastie d’Aq Qoyunlu. Le prince était mort en 1473 lors de la bataille d’Otlukbeli qui consacra l’avancée des Ottomans dans l’est de l’Anatolie. L’édifice, revêtu de faïence bleue et décoré d’inscriptions, est considéré comme l’un des premiers exemples de mausolées de ce type en Anatolie.
Devant la menace, les scientifiques et les autorités locales s’étaient engagés pour son déplacement. Celui-ci vient d’avoir lieu le 12 mai dernier : le mausolée tout entier a été déplacé, en un seul tenant.
Une prouesse technique.
C’est une entreprise hollandaise, spécialisée dans ce genre de projets, qui a mené les opérations. Cela ne s’est pas fait en un jour : les préparatifs ont duré deux ans. Une plateforme spéciale, équipée de plus de 150 roues, a été construite. Un socle de un mètre de profondeur a été coulé sous le monument avant son transfert sur la plateforme grâce à des grues hydrauliques.
La phase la plus délicate du processus, le déplacement du mausolée, a eu lieu le 12 mai dernier et a duré quatre heures. Grâce à un système de rail et à l’utilisation d’un asphalte spécial, le monument a été transféré vers son nouveau site, situé à deux kilomètres de distance. Plus de 50 personnes, dont des ingénieurs, ont participé aux opérations.
Pour avoir une meilleure idée de cet impressionnant sauvetage, cliquez pour le voir en vidéo, filmée par des drones.
Un projet de barrage controversé.
La construction de ce barrage – comme de nombreux projets du même type – n’est pas allé sans rencontrer de nombreuses oppositions depuis des décennies (dont celui de l’UE). Non seulement car elle entraînera la destruction de nombreux vestiges patrimoniaux et archéologiques à Hasankeyf et dans ses environs, mais aussi parce que la zone où il est construit avait été déclarée zone de conservation naturelle en 1981.
Le ministre turc des eaux et forêts, Veysel Eroğlu, a déclaré que « l’Europe était contre ce barrage, mais nous allons déplacer huit autres édifices anciens. Cela constituera un exemple à suivre pour le monde ». Pour tout louable qu’il soit, cet effort ne compense pas nécessairement la perte de milliers de sites et d’objets archéologiques qui vont être submergés, dans une région au passé particulièrement riche. Ainsi à Hasankeyf, les spécialistes considèrent que la forteresse d’origine byzantine, pourtant située hors d’atteinte des eaux, subira des dommages, tout comme les piles du pont ruiné sur la rivière Ilısu…
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