Découverte de fresques de deux hommes à deux visages datant de 1400 ans au Pérou
Des archéologues ont découvert deux fresques de deux hommes à deux visages datant de 1400 ans dans une salle de cérémonie appartenant à la culture Moche au Pérou. Les hommes à deux visages sont représentés tenant des objets singuliers, notamment une coupe où boivent des colibris, une caractéristique qui peut faire allusion aux sacrifices et aux « royaumes cosmiques ». Les fresques, trouvées sur le site archéologique de Pañamarca, ont été réalisées entre 550 et 800 de notre ère, lorsque la civilisation Moche prospérait sur la côte péruvienne.
Pañamarca, un centre important de la civilisation Moche.
La civilisation Moche (ou culture Mochica) était une civilisation précolombienne qui s’est épanouie sur la côte du Pérou entre 100 et 800 de notre ère. Les Moche étaient des agriculteurs, des ingénieurs et des artistes compétents qui ont créé certaines des œuvres d’art les plus impressionnantes et les plus sophistiquées de l’Amérique du Sud préhispanique. Ils sont surtout connus pour leurs récipients en céramique, qui représentent des scènes de la vie quotidienne, de la mythologie et des sacrifices rituels.
Le site archéologique de Pañamarca est situé dans la basse vallée de Nepeña au Pérou, à environ 300 km au nord de Lima. Le site a été découvert en 1958 par l’archéologue péruvien Rafael Larco Hoyle, qui a mis au jour une peinture murale représentant une scène mythologique. Le site a ensuite été abandonné pendant plusieurs décennies avant d’être redécouvert au début des années 2000.
Le complexe de Pañamarca couvre une superficie d’environ 22 hectares. C’est un vaste ensemble architectural qui se compose de plusieurs places, de pyramides, de temples et de zones résidentielles. C’était probablement un centre de pouvoir politique, religieux et économique majeur durant la période Moche, entre 100 et 800 de notre ère.
Le complexe de Pañamarca a fait l’objet de recherches archéologiques approfondies depuis sa redécouverte au début des années 2000. Les archéologues ont mis au jour de nombreux objets et structures, notamment des poteries, des textiles et des restes humains. Le site est considéré comme l’un des sites archéologiques les plus importants du Pérou et sa découverte a permis de mieux comprendre la culture, la religion et la société du peuple Moche.
Les fouilles d’une mystérieuse salle des cérémonies.
L’une des caractéristiques les plus importantes du complexe de Pañamarca est la salle de cérémonie, qui contient plusieurs peintures murales représentant des scènes mythologiques. On y voit par exemple une prêtresse, un serpent et une chauve-souris. Les chercheurs étudient cette salle depuis la découverte de la première fresque en 1958. Malgré de longues années d’études, une grande partie de la salle est toujours inexplorée, et d’autres peintures attendent probablement d’être découvertes. En effet, comme l’explique un membre de l’équipe archéologique, M. Trever, « l’une des choses les plus intéressantes et les plus difficiles à propos de ce bâtiment est que la densité inhabituelle des peintures qu’il contient signifie que nous ne pouvons fouiller et conserver qu’une petite partie du bâtiment à chaque saison de fouilles ».
Les chercheurs n’ont toujours pas de certitude quant à la manière dont les Moche utilisaient cette salle. Ils pensent qu’un nombre réduit de personnes y avaient accès, étant donné l’étroitesse des passages et de l’espace intérieur, et qu’il s’agissait peut-être d’un endroit très spécial, réservé aux chefs ou aux anciens de la communauté de Pañamarca.
Le potentiel archéologique du lieu est donc encore important, comme l’illustrent les dernières fresques qui y ont été découvertes.
Des fresques énigmatiques.
Dans cette salle de cérémonie, les archéologues ont dégagé en août 2022 un pilier orné de deux fresques riches en détail. L’une, au somme du pilier, montre un homme à deux visages, l’un regardant vers la gauche et l’autre vers la droite, et tenant un éventail de plumes dans une main et une coupe dans laquelle s’abreuvent quatre colibris dans l’autre. Le second homme à double visage, peint plus bas sur le pilier, tient quant à lui un éventail de plumes en mouvement dans une main, et dans l’autre un objet en forme de bâton qui est partiellement endommagé.
Selon les archéologues, les artistes Moche ont peut-être expérimenté la façon de représenter le mouvement et deux moments narratifs à la fois. Les fresques ont été découvertes en août 2022, mais la raison pour laquelle les Moche ont représenté ces deux hommes de cette manière reste un mystère.
On ne sait pas avec certitude si les hommes à deux visages représentés dans les fresques sont des divinités. Les images de divinités dans l’art Moche présentent généralement des aspects non humains tels que des crocs, des ailes ou des queues. Cependant, les hommes des fresques apparaissent entièrement humains, à l’exception de leurs deux visages.
Cette récente découverte est significative pour les archéologues et les historiens de l’art qui tentent de comprendre les significations cosmologiques et les récits religieux de l’iconographie Moche.
Les peintures murales de Pañamarca sont vraiment spectaculaires et les découvertes de 2022 contribueront sans aucun doute de manière significative aux efforts archéologiques et artistiques visant à reconstruire les significations cosmologiques et les récits religieux de l’iconographie Moche ».
Edward Swenson, directeur du Centre d’archéologie de l’Université de Toronto
Selon Edward Swenson, l’une des explications possibles au fait que les hommes aient deux visages serait qu’un mortel porte un masque et se fait ainsi passer pour un être surnaturel, ou ne fait plus qu’un avec lui ». Le détail des quatre colibris buvant dans la coupe est également important, car il peut symboliser un lien entre les mortels et les dieux. Edward Swenson les interprète comme une puissante invocation du rôle central du sacrifice dans la vision du monde des Moche. Dans cette culture, le sacrifice était un mécanisme essentiel pour assurer la circulation des fluides vitaux entre les êtres et les royaumes cosmiques.
La poursuite des travaux archéologiques sur le site fournira peut-être davantage de contexte permettant de percer le mystère de ces fresques.