Découverte archéologiqueRome antique

Des milliers d’empreintes de sceaux retrouvés dans les archives romaines de Dolichê

Une équipe d’archéologues du Centre de recherche sur l’Asie mineure a mis au jour plus de 2 000 empreintes de sceaux dans l’ancienne Doliche. Cette ville se situe aujourd’hui près de Gaziantep en Turquie, à une cinquantaine de kilomètres de la frontière syrienne. Dans l’antiquité, Doliche était surtout connue pour un grand sanctuaire situé en haut d’une colline à proximité, et établi depuis l’époque hittite. La ville même, refondée comme colonie hellénistique au cours du IIe siècle avant notre ère, était un centre majeur qui passa entre les mains du royaume de Commagène, puis des Romains en 72. La ville fit alors partie de la province de Syrie et conserva son importance jusqu’à l’époque byzantine.


Dolichê, le centre d’un culte romain à Jupiter Dolichenus.

Dolichê connut cependant une notoriété importante durant l’époque romaine grâce au sanctuaire situé sur une colline près de la cité. En effet, le culte de Jupiter Dolichenus (c’est à dire de Dolichê) se répand au IIe siècle et connaît son apogée au IIIe siècle. Il semble être une réinterprétation du culte de dieux sémitiques : Hadad, Baal, et Teshub, dont il reprend quelques éléments iconographiques. Il ne s’inscrit cependant pas dans une continuité directe de ces divinités, et est plutôt largement réinterprété par les Romains qui rentrent peut-être en contact avec cette divinité lors des guerres mithridatiques ou de l’intégration de la Commagène.

Quoiqu’il en soit, ce culte à mystères comprenant une initiation (dont on ne sait pas grand chose) se répand dans l’empire avec un certain succès. Outre son sanctuaire de Dolichê, il avait un temple à Rome sur l’Aventin, et les archéologues ont retrouvé 19 autres sanctuaires, principalement sur les frontières de l’empire. Cela s’explique car il semble que, tout comme le culte de Mythra, celui de Jupiter Dolichenus ait été particulièrement populaire dans l’armée. La dynastie des Sévère, assez militaire, semble aussi avoir favorisé ce culte.

Cependant, il ne connait jamais le succès d’autres cultes orientaux comme ceux de Mythra, d’Isis ou de Cybele, et reste très lié à son sanctuaire de Dolichê.

Or au IIIe siècle, les Romains affrontent les Perses sassanides lors de terribles guerres. Le second roi de cette dynastie, Shapour Ier (240-272) bat l’armée romaine en 252 et ravage une grande partie de la Syrie, y compris Antioche, en 253. Dolichê et son sanctuaire sont détruits à cette occasion. Même si la ville se relève, quelle crédibilité accorder à Jupiter Dolichenus, particulièrement vénéré par les soldats, après cet affront ? Son culte perd rapidement en popularité et s’éteint dès le IIIe siècle.


Les archives de Dolichê, une rare découverte archéologique.

Les archéologues fouillent depuis plusieurs années le site de la ville hellénistique et romaine, ainsi que la colline où se trouvait le sanctuaire de Teshub, puis de Jupiter Dolichenus. Ils ont ainsi retrouvé les vestiges d’un temple de Mithra, mais aussi des tombes rupestres et une stèle représentant une divinité de l’âge du fer jusqu’alors inconnue.

Mais leur dernière découverte est particulièrement remarquable, car ils ont retrouvé les archives de Dolichê. Le bâtiment était de grandes proportions : au moins 25 mètres de long sur 8 de large. Il comprenait plusieurs étages contenant chacun une série de pièces. Aujourd’hui, seules subsistent les fondations en calcaire. C’est dans ces ruines que les archéologues ont découvert plus de 2000 empreintes de sceaux, qui fermaient et authentifiaient autrefois les documents des archives municipales conservés dans l’édifice. Les empreintes sont constituées de morceaux d’argile, dont la taille peut varier de 0,5 à 2 cm.

Chaque cité romaine disposait d’archives, mais la découverte de celles de Dolichê est très intéressante car peu de ces bâtiments ont été identifiés jusqu’à présent. Par ailleurs, le grand nombre des empreintes de sceaux livre aussi des informations. Ainsi, on peut les diviser en deux corpus : d’un côté, les sceaux officiels, qui ont généralement un lien direct avec la ville. A Doliche, la plupart représente Jupiter Dolichenus, le dieu tutélaire. Le second corpus regroupe les sceaux privés, plus petits. Ils regroupent un éventail varié d’images et de symboles, mettant en lumière l’impact culturel de la religion dans la vie des habitants de Doliche.

Les dieux représentés sur les sceaux donnent un aperçu de l’environnement religieux des gens. Les figures mythiques ou les rares portraits privés indiquent une forte influence gréco-romaine ».

Professeur Blömer de l’université de Münster

Le bâtiment et les archives qu’il contenait ont été détruits par un grand incendie, probablement lorsque les troupes du roi Shapour Ier ravagent les villes de la province de Syrie en 253.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *