Le temple de Louxor, sanctuaire majeur de l’ancienne Thèbes
Le temple de Louxor est l’un des sites les plus impressionnants de l’Égypte antique. Situé sur la rive est du Nil, ce temple a été construit il y a plus de 3000 ans pour vénérer le dieu Amon et Amon-Râ, devenu alors le dieu suprême d’Egypte. Il se trouvait à l’époque au cœur de la ville de Thèbes, capitale de la Haute-Egypte et l’une des principales résidences des pharaons du Moyen et du Nouvel Empire. En égyptien, le temple était appelé le « sanctuaire méridional », par opposition à Karnak, l’autre gigantesque sanctuaire consacré à Amon et situé à environ 1,5 km au nord.
La construction du temple, du Nouvel Empire à l’époque romaine.
L’édification du temple de Louxor a principalement lieu durant le Nouvel Empire, même si des adjonctions importantes sont réalisées à la Basse-Epoque. Aux époques ptolémaïques et romaines, il s’agit surtout de réaménagement plus que de politiques architecturales très développées. Dans sa version finale, le temple mesurait 260 mètres de long sur 60 de large, mais plusieurs phases se sont succédées pour lui donner cette apparence.
On ignore exactement si un premier sanctuaire se trouvait sur le site du temple avant la XVIIIe dynastie. On sait cependant que la reine Hatshepsout (-1479 à -1458) a fait mener d’importants travaux de construction à Louxor, même si la plus grande partie de son œuvre a été remplacée par la suite. Le pharaon Aménophis III (-1388 à -1351), appartenant à la même dynastie, va charger son architecte Amenhotep de construire un grand temple, qui constitue encore le cœur des vestiges qui nous sont parvenus. Le résultat est un sanctuaire complet, comprenant le naos, la salle des offrandes et ses chapelles reposoirs, une salle hypostyle, la cour solaire bordée sur trois côtés de colonnes papyriformes, complété par une colonnade processionnelle haute de plus de 20 mètres, formant un kiosque monumental qui marque alors l’entrée du temple. Ce chantier gigantesque occupe tout le règne d’Aménophis III, et s’étend probablement sur deux phases de construction distinctes : le sanctuaire proprement dit en premier, puis la cour solaire et les fondations de la colonnade processionnelle, qui n’est cependant pas achevée sous son règne. Ce n’est d’ailleurs pas le seul chantier de grande pour ce pharaon qui règne presque 30 ans : il fait également construire sur l’autre rive du Nil un gigantesque temple funéraire.
Sous le successeur d’Aménophis III, le pharaon « hérétique » Akhénaton qui impose le culte du dieu unique Aton, le temple est délaissé et peut-être malmené. Après le rétablissement du culte traditionnel, le fils et successeur d’Akhénaton, Toutankhamon, puis ses successeurs Ay et Horemheb, achèvent la colonnade processionnelle et la décoration de ses murs, en y ajoutant notamment les scènes de la fête d’Opet, une des plus importantes d’Egypte, dont le temple de Louxor était un des sites majeurs.
Sous le règne de Ramsès II (-1279 à -1213), un bâtisseur infatigable qui couvrit l’Egypte de monuments durant son long règne, le temple connaît une importante grande phase d’agrandissement. Devant la colonnade processionnelle, on élève deux colosses assis à l’image de Ramsès II et on bâtit une nouvelle cour à portique, dont les colonnes alternent avec des colosses représentant ce pharaon. Cette cour est fermée par deux nouveaux pylônes, ornés de représentations de la bataille de Kadesh contre les Hittites. Devant ces pylônes, un nouveau parvis était orné de quatre colosses debout et de deux assis, tous à l’image de Ramsès II, ainsi que de deux obélisques. Cependant, l’architecte de Ramsès II déporta l’axe du monument pour l’aligner sur le temple de Karnak. Il n’est ainsi pas possible d’avoir une vue axiale du temple depuis son entrée. Mais l’ensemble est bien conçu et reste harmonieux : ainsi, les obélisques, de tailles différentes, sont placés en décalés, de sorte que la différence ne se voie pas vraiment en regardant le temple de face. Le triple sanctuaire construit pour abriter les barques d’Amon, de Mout et de Khonsou est également construit durant le règne de Ramsès.
© Marc Ryckaert, CC by 3.0
© Diego Delso, CC by SA 4.0
La Basse Epoque est la dernière période durant laquelle de grands projets architecturaux sont encore entrepris dans le temple. Les célèbres « pharaons noirs », qui dominent à la fois le Koush (au Soudan) et l’Egypte, font ainsi ajouter le mur d’enceinte et un kiosque à colonnes formant une avant-cour. Par la suite, cette enceinte est réaménagée ou restaurée par les pharaons de la XXXe dynastie, la dernière dynastie proprement égyptienne. Ils font aussi réaliser l’allée des sphinx reliant Louxor au temple de Karnak, ainsi qu’une petit temple dédié à Isis.
Par la suite, l’Egypte tombe aux mains des Assyriens, puis des Perses. Il est possible que les sanctuaires de Thèbes aient souffert de ces conflits ; en tout cas, le développement du temple s’arrête. Ce n’est qu’avec Alexandre le Grand qu’une activité architecturale reprend : le conquérant ordonne de réaménager la salle de la barque, preuve de l’importance de Louxor. Les Ptolémées accorderont une attention particulière aux sanctuaires de Thèbes et font effectuer des remaniements, mais ne modifient pas profondément le temple.
Puis à l’époque romaine, entre le IVe et le VIe siècle, Louxor est partiellement converti en camp militaire pour la légion stationnée en Haute-Egypte. Il en subsiste des rues pavées de blocs massifs et bordées de piliers. Une partie du sanctuaire est également aménagé pour le culte impérial durant la Tétrarchie, entre 293 et 313. Les prêtres enfouissent alors une série d’images royales et divines, qui furent redécouvertes en 1989.
La signification religieuse du temple de Louxor.
Durant le Moyen Empire, le dieu Amon, divinité locale de Thèbes, supplante peu à peu une autre divinité de la région, le dieu guerrier Montou. Amon finit par devenir le dieu suprême : il est alors associé à Râ. Comme à Karnak, on vénérait Amon à Louxor sous ses deux formes principales : associé au soleil comme Amon-Râ, alors souvent représenté en dieu céleste bleu ; ou associé au dieu Min et à la fertilité, et souvent représenté en noir avec un sexe en érection. On faisait référence au dieu révéré à Louxor comme « Amon de l’Opet », du nom de la grande fête qui célébrait annuellement le dieu.
Néanmoins, Louxor était aussi associé au culte de la royauté pharaonique, et notamment à sa régénération. Il est d’ailleurs possible que les pharaons se soient fait couronner à Louxor – Alexandre le Grand prétend dans des inscriptions s’y être rendu pour y être couronné, bien qu’il n’ait probablement jamais visité la Haute-Egypte.
Le temple de Louxor était aussi l’un des lieux principaux de la fête d’Opet, la plus importante de Thèbes et l’une des plus grandes de toute l’Egypte. Au cours de cette fête, on transportait la statue d’Amon, de son épouse Mout et de leurs fils Khonsou, depuis le sanctuaire de Karnak jusqu’à celui de Louxor par l’allée des sphinx. La procession était accompagnée de musique, de danse et de célébrations auxquelles se joignait la population thébaine.
Le temple de Louxor et la « belle fête d’Opet ».
La « belle fête d’Opet » se tenait une fois par an, durant le second mois de l’inondation, ce qui la liait aux crues du Nil et à sa fertilité symbolique. Elle est attestée pour la première fois lors de la XVIIIe dynastie, mais prend très vite une grande importance. Dès le Nouvel Empire, c’était sans aucun doute la plus importante de la région thébaine, et une des plus importantes de toute l’Egypte. A l’époque de Thoutmosis III, elle durait environ onze jours. Mais sous Ramsès III, elle s’étendait sur près d’un mois. A l’occasion de la fête, le dieu Amon-Râ de Karnak et les autres dieux de la triade thébaine visitaient le dieu Amon résidant au temple de Louxor, donnant lieu à une grande procession autour des barques sacrées transportant les statues des divinités.
Les représentations de la fête d’Opet, notamment sur les murs de la colonnade processionnelle, mais aussi dans d’autres parties du temple de Louxor, permettent de reconstituer son déroulement de manière assez précise, même si des changements ont eu lieu au cours du temps et que tous les détails n’en sont pas absolument clairs. Dès le règne d’Hatshepsout, l’image d’Amon était transportée par voie de terre depuis Karnak jusqu’au temple de Louxor, dans une barque cérémonielle portée sur les épaules de prêtres. Le voyage du retour, en revanche, se faisait par voie d’eau et le pharaon escortait alors personnellement la barque du dieu. Plus tard, le voyage par voie d’eau semble se faire parfois dans les deux sens – à contre-courant, les barques étant alors hélées par des hommes depuis les rives. La procession était accompagnée de groupes de musiciens, de danseurs et de chanteurs.
A l’arrivée à Louxor, le dieu était salué par les princes et les autres grands dignitaires, portant des offrandes et effectuant des sacrifices, et la route depuis le fleuve jusqu’au temple était agrémentée d’autels avec des offrandes et du personnel du temple accueillant le dieu, y compris des troupes d’acrobates. La procession s’arrêtait alors au triple sanctuaire construit par Hatshepsout, et qui se trouvait à l’origine à l’extérieur du temple de Louxor avance que celui-ci ne soit agrandi et ne finisse par l’englober. Puis, les statues étaient transportées à l’intérieur du temple, où différentes cérémonies rituelles débutaient alors. Ce sont surtout ces rites religieux qui ne sont que partiellement compris, mais il pourraient avoir compris des rituels célébrant un mariage sacré symbolisant le divin parentage du monarque régnant. La célébration avait une aussi une fonction de réjuvénation du rôle du roi et de son pouvoir, et comprenait la répétition rituelle de rites de couronnement, le pharaon recevant alors différentes couronnes alors qu’il était agenouillé devant l’image du dieu. Le pharaon présentait également des offrandes à la divinité, la fête fonctionnant ainsi à la fois comme un renouvellement du roi et du dieu, et une réaffirmation des liens entre les dieux et leurs sujets.
Le devenir du temple à la fin de l’antiquité et la redécouverte de Louxor.
La conversion de l’empire au christianisme entraîne la désaffectation de la plupart des grands temples d’Egypte – celui de Philae est probablement le dernier à demeurer en activité, jusqu’au VIIe siècle. A Louxor, plusieurs églises sont aménagées au VIe siècle, dans le temple proprement dit et à l’intérieur de son enceinte. L’une d’entre elle est construite dans la cour de Ramsès II, puis au XIIIe siècle, la mosquée d’Abu el-Haggag est édifiée par dessus. Cet édifice religieux, toujours en activité aujourd’hui, poursuit ainsi l’utilisation de Louxor comme lieu sacré depuis 3500 ans.
Cependant, durant tout le Moyen-Âge, la population de la ville de Louxor s’était installée dans et autour du temple. Au fil des siècles, les décombres s’étaient accumulés, formant une colline atteignant jusqu’à 15 mètres de hauteur, et ensevelissant les trois quarts du temple. Néanmoins, ses vestiges ne disparaissent jamais complètement et avec l’expédition d’Egypte de Bonaparte, les Européens redécouvrent la civilisation égyptienne et Louxor.
En 1824, le bay d’Egypte offre les deux obélisques de Louxor au roi de France. Finalement, seul l’obélisque de droite – le plus petit et le plus abîmé – sera transporté à Paris et dressé sur la place de la Concorde où il se trouve encore aujourd’hui.
Des premières explorations commencent sous Mariette Pacha, mais c’est surtout le professeur Gaston Maspero qui obtient l’autorisation de démarrer des fouilles à Louxor à partir de 1884. Il y avait alors sur le site du temple non seulement des siècles de débris, mais aussi des bâtiments plus récents : casernes, magasins, maisons, cabanes, pigeonniers qui doivent être enlevés – en échange de compensations – pour fouiller le site. La mosquée d’Abu el-Haggag, de par son caractère religieux, reste en place. Par la suite, les fouilles se poursuivent de manière sporadiques jusque dans les années 60.
Le temple de Louxor est un témoignage impressionnant de la grandeur de l’Égypte antique. Avec son architecture imposante et sa décoration soignée, le temple est un trésor de l’histoire et de la culture égyptiennes, aujourd’hui classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.