Lignes de Nazca : découverte d’une figure de chat de 37 mètres
On désigne sous le nom de lignes de Nazca des géoglyphes, c’est à dire des formes tracées au sol, représentant des formes géométriques, des animaux ou encore des figures humaines, que l’on retrouve sur une zone d’environ 450 km² dans près de la ville de Nazca, au Pérou. Elles sont les œuvres des cultures Paracas, puis Nazca, et auraient été réalisées sur une très longue période, couvrant près d’un millénaire, entre -500 et 500. Ce patrimoine spectaculaire et unique au monde est classé à l’UNESCO depuis 1994, mais demeure entouré de mystère, notamment quant à la fonction et la signification précise de ces figures.
Une cartographie des lignes de Nazca encore incomplète.
Si les géoglyphes de Nazca sont connus depuis bien longtemps et avaient déjà été remarqués à l’époque coloniale, ils n’ont commencé à être sérieusement étudiés que dans les années 1920. Dans les années qui suivent, les géoglyphes les plus connus – singe, oiseau, araignée etc – sont ainsi redécouverts et restaurés.
Aujourd’hui, plus d’un milliers de lignes sont répertoriées : environ 800 sont des lignes droites, 300 des figures géométriques, tandis que 70 représentent des plantes, des animaux, des insectes. On trouve aussi quelques représentations humaines, mais elles sont rares. Beaucoup de géoglyphes sont de taille réduite, de quelques mètres d’envergure. Mais certaines sont en revanche gigantesques et s’étendent sur des centaines de mètres, plus que la Tour Eifel. Ces dernières années, notamment grâce à l’aide de nouvelles technologies et de drones, le corpus connu s’est grandement étendu. Ainsi, un projet mené entre 2004 et 2019 a permis de répertorier près de 150 géoglyphes jusqu’alors inconnus.
Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à notre chat. Réalisée à flanc de colline, ce géoglyphe, s’étendant sur une surface d’environ 37 mètres, représente l’animal au repos. Petit rappel : le chat domestique tel que nous le connaissons n’a traversé l’Atlantique qu’au XVe siècle, mais de nombreux félins sauvages, comme le jaguar, le puma ou le marguay, étaient des espèces endémiques au Pérou. Mais comment une figure d’une telle taille a-t-elle pu passer inaperçue, et pourquoi n’a-t-on pas encore pu cartographier toutes les lignes existantes ?
Erosion et menaces : des lignes en voie de disparition.
Pour l’expliquer, il faut comprendre que les lignes ont généralement été réalisées en dégageant la première couche couvrant le sol du désert, exposant ainsi une terre plus colorée et créant ainsi des formes par effet de contraste. Ces œuvres sont donc naturellement très sensibles à l’érosion, tant par l’eau que par le vent, et beaucoup ont été arasées par le temps jusqu’à devenir presque invisible.
Aujourd’hui, l’érosion est encore accentuée par des menaces plus endémiques à notre époque, comme la pollution et la déforestation. D’autres risques liés aux activités humaines se sont par ailleurs ajoutés, comme le développement de l’urbanisation, du tourisme, ainsi que des incidents isolés mais parfois spectaculaires qui endommagent les géoglyphes.
“La figure était à peine visible et était sur le point de disparaître, car elle est située sur une pente assez raide qui est sujette aux effets de l’érosion naturelle”, a précisé le ministère de la culture péruvien dans une déclaration. C’est en programmant la réalisation d’un chemin menant à une plateforme d’observation permettant aux visiteurs d’apercevoir les autres lignes du secteur, que la figure du félin a été découverte, puis soigneusement restaurée au cours des dernières semaines.
Un chat qui remonterait à la culture Paracas.
En l’absence de sources écrites, et compte tenu que les recherches concernant les lignes de Nazca sont relativement récentes, de nombreuses questions ont été et sont encore débattues. On a ainsi longtemps attribué les lignes de Nazca à la seule culture Nazca, qui était cependant très liée à une culture précédente, celle des Paracas, dont elle aurait peut-être dérivée. Aujourd’hui, on considère que les Paracas eux-mêmes ont réalisé les lignes les plus anciennes.
Ce peuple est encore largement méconnu, mais la fouille de plusieurs sites, notamment dans la péninsule Paracas, a permis de mieux les comprendre. Les Paracas maîtrisaient l’irrigation et pratiquaient le tissage de la laine et du coton. Ils inhumaient leurs morts dans des grandes tombes, enroulant les momies dans de très longs textiles, et en faisant des sortes de cocons appelés fardos. Par ailleurs, les Paracas – comme d’autres civilisations préhispaniques, pratiquaient la déformation des crânes par allongement. Leur culture perdura près d’un millénaire, entre -800 et 200, et aurait peut-être donné naissance ou fusionné avec la culture Nazca, qui reprend un grand nombre de ses acquis culturels.
Or, les animaux et les félins apparaissent plus souvent dans l’iconographie Paracas, qui semblent aussi avoir privilégié les flancs de collines pour y réaliser des géoglyphes, alors que la culture de Nazca les créait plutôt en fond de vallée. Ce chat aurait donc un âge plus que vénérable de près de 2000 ans…