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Une étude fournit une datation au radiocarbone révisée de l’épave de Kyrenia

L’épave de Kyrenia est considérée comme l’une des épaves les mieux préservées de l’antiquité, avec plus de la moitié de sa coque encore intacte. Découverte en 1965, il s’agit des vestiges d’un navire marchand grec qui a coulé au large des côtes de Chypre il y a plus de 2000 ans.


L’épave de Kyrenia, une des mieux préservées de l’antiquité.

Découverte en 1965 à une profondeur d’environ 33 mètres, cette épave reposait au large des côtes chypriotes. Fouillée entre 1967 et 1969, elle a ensuite été retirée de la mer et exposée au château de Kyrenia, au musée de l’épave antique. Grâce aux recherches menées sur l’épave, les archéologues sont parvenus à extraire de nombreuses informations concernant le navire et les techniques de construction navale antiques.

Le navire mesurait environ 14,7 mètres de long sur 4,4 mètres de large et sa coque était construite principalement en pin. Il était équipé d’une seule voile carrée et comptait probablement un équipage composé d’un capitaine et de trois marins. Le navire aurait subi quatre réparations majeures au cours de son utilisation : remplacement et réparation de planches, déplacement du mât (probablement pour faire place à une pompe de cale plus grande, pouvant évacuer plus d’eau). Lors de la dernière réparation, une nouvelle couche de bois et de plomb a été installée sur la coque vieillissante pour améliorer son étanchéité. Ces mesures prises pour faire face à l’infiltration d’eau corroborent la fragilité du navire à l’époque de son naufrage.

Les chercheurs pensent que le navire était actif à l’époque d’Alexandre le Grand et des premiers Diadoques qui se partagent son empire après sa mort en -323. Il aurait coulé en haute mer, non loin du port de l’ancienne cité de Kyrenia, entre -294 et -291, une datation fondée sur les tampons et les pièces de monnaie retrouvés sur le site.

Epave de Kyrenia exposée à l’heure actuelle, crédits Mgiganteus, CC-by-SA 3.0

Les fouilles de l’épave et sa cargaison.

Les fouilles archéologiques menées sur une zone d’environ 20 mètres sur 5 ont permis de retrouver sa cargaison et plusieurs objets usuels.. Le navire transportait 381 amphores contenant du vin, de l’huile d’olive et des amandes. La plupart de ces amphores provenaient de Rhodes, qui était probablement son port d’attache, et quelques autres d’autre cités grecques (Knidos, Samos, Kos) mais aussi de Palestine, d’Egypte et de Chypre. En plus de ces amphores, le bateau transportait aussi des lingots de fer et des meules, disposées en trois rangées sur la quille, et qui servaient également de lest.

Le navire disposait également de javelots, probablement pour que l’équipage puisse se protéger en cas d’attaque, mais aussi de filets de pêche utilisés pour pêcher durant ses voyages. Au moment de son naufrage, le navire ne comptait qu’une seule ancre, à crochet à bois avec un lest en plomb. Ce type d’ancre est attesté depuis le XVIIe siècle avant notre ère ; son efficacité dépendait largement du fond marin.


Répliques modernes du navire.

L’épave du Kyrenia, extrêmement bien préservé, a attiré l’attention des chercheurs et suscité plusieurs reconstructions. Une première réplique grandeur nature du navire, nommée Kyrenia II, a été construite en 1985 en suivant les mêmes procédés que durant l’antiquité. En 1988, une deuxième réplique grandeur nature, nommée Kyrenia-3, a été réalisée par une équipe japonaise. En 2002, une troisième réplique, nommée Kyrenia Liberty, a aussi été créée en respectant le design original et a navigué vers Athènes à l’occasion des jeux olympiques de 2004.


Une nouvelle datation par carbone 14.

Depuis des décennies, les chercheurs continuent de s’intéresser à l’épave. Ainsi une nouvelle étude a appliqué de nouvelles techniques de calibration au radiocarbone pour tenter de dater plus finement l’épave de Kyrenia. En effet, la datation au carbone 14 fondée sur des échantillons trouvées sur le site ne correspondait pas vraiment aux preuves archéologiques, qui estimaient le naufrage de l’épave entre -294 à -291. Selon les auteurs de l’étude, cette divergence est due à des données de calibration au radiocarbone obsolètes, pouvant être déformées en raison des variations du carbone atmosphériques au cours du temps. Or, alors que les techniques de datation au radiocarbone se sont améliorées, les informations n’ont pas toujours été mises au jour.

En appliquant des techniques de datation modernes à des échantillons pour réviser la date de calibration, les chercheurs sont arrivés à une nouvelle date pour le dernier voyage du navire, vers -280. Les auteurs ont également appliqué la nouvelle courbe de calibration au radiocarbone aux dates au radiocarbone d’un autre navire grec, le navire de Mazotos, et ont estimé que son naufrage datait d’environ -370, légèrement plus tardif que ne l’indiquaient les recherches précédentes.

Le développement de techniques plus précises de datation au radiocarbone, et leur validation par des preuves archéologiques sur des épaves connues, permet ainsi d’affiner les capacités de datation utilisées en archéologie sous-marine. Cela permettra de meilleures datations sur d’autres épaves, permettant d’améliorer l’histoire de la navigation antique.

Crédits photographiques (si non précisés) : Équipe d’excavation du navire de Kyrenia – CC-BY 4,0

Source (en anglais) : Manning SW, Lorentzen B, Bridge M, Dee MW, Southon J, Wenger M (2024) A revised radiocarbon calibration curve 350–250 BCE impacts high-precision dating of the Kyrenia Ship. PLoS ONE 19(6): e0302645.

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