Découverte archéologique

Exceptionnel cimetière germanique de l’antiquité tardive fouillé en Allemagne

Le chantier de la caserne de pompiers de Rockenberg, situé à une quarantaine de kilomètres au nord de Francfort, attendra bien un peu. La raison : les archéologues s’affairent sur le terrain depuis des semaines pour dégager une nécropole de grande ampleur remontant au IVe et Ve siècles. Et même si les fouilles ne sont pas encore achevées, leurs résultats sont déjà considérées comme une découverte majeure pour la région de la Hesse.


Rockenberg à fin de l’antiquité : une région frontalière et une période charnière.

Pourquoi cette découverte est-elle si significative ? Le site se situe dans une zone longtemps à la frontière de deux mondes. Alors que Rome étend rapidement sa domination sur la Gaule au Ier siècle avant notre ère, la Germanie arrive à portée de main. Déjà, les légions de César franchissent le Rhin en -55 et en -53. Mais c’est Auguste qui, devenu le premier empereur, décide de faire de nouveau franchir le Rhin à ses légions. Débutent une vingtaine d’années de campagnes militaires à partir de -19, qui soumettent effectivement une vaste région. Cependant, les erreurs commises par les Romains dans l’administration de la nouvelle province s’avèrent fatales. En l’an 9, les tribus germaniques constituent une alliance secrète, et tendent une embuscade au gouverneur Varus qui inspecte alors la région à la tête de 3 légions. Au cours d’une bataille féroce dans la forêt de Teutobourg, les tribus germaines écrasent l’armée romaine. Profitant de leur avantage, ils prennent presque tous les camps romains sur la rive droite du Rhin. Ce coup dur marque un coup d’arrêt dans l’expansion romaine en Germanie. En 14 et 16, l’empereur Tibère ordonne cependant une nouvelle expédition de représailles, à l’issue de laquelle la frontière se stabilise. Les Romains établissent une frontière fortifiée ponctuée de forts et de camps militaires, un limes (qui englobe dans leur empire une partie non négligeable de ce qui constitue l’Allemagne moderne). Le site de Rockenberg se trouve quasiment sur ce limes, sous contrôle romain.

Cette situation perdure pendant près de 200 ans. Mais au IIIe siècle commencent d’importants mouvements de populations germaniques. Des mouvements importants de populations germaniques se produisent, mettant sous pression les frontières romaines. C’est d’abord la frontière danubienne qui est menacée, mais vers 230 les Alamans menacent le limes de Germanie. Les incursions en territoire romain se multiplient. Vers 250, les Alamans et les Francs envahissent la Rhétie et la Gaule. Ils sont repoussés dans les années 260, mais à cette époque, les Romains ne sont plus en mesure de tenir l’ancien tracé du limes et se replient sur la rive gauche du Rhin. Une nouvelle période commence alors pour Rockenberg et les nouvelles populations qui s’y installent.

Mais sur cette période charnière, on ne sait que peu de choses. Les sources écrites sont très rares, et les traces archéologiques concernant les populations de cette époque bien maigre.


Une nécropole de grande ampleur du IVe et Ve siècles.

Vue aérienne des fouilles.

Or, les découvertes archéologiques de ces dernières semaines changent la donne. Malgré des conditions de travail parfois difficiles, avec de fortes pluies transformant la zone de fouilles en vaste bourbier, les archéologues allemands ont retrouvé pas moins de 330 tombes à incinération, et 71 tombes à inhumation. Un important matériel funéraire a également été retrouvé. A la grande joie des scientifiques, les objets dégagés – notamment des bijoux, des épées et des céramiques – ont été très bien préservés par le sol local.

Le jeu en valait donc la chandelle.

L’Antiquité tardive est une période que l’on qualifierait aujourd’hui de période de bouleversement. D’une part, c’est le déclin de l’Empire romain et aussi l’époque où les Germains s’installent chez nous. […] Ce sont précisément des tombes de cette période qui nous manquaient. C’est une pièce du puzzle incroyablement importante pour cette période. »

Dr Jörg Lindenthal, responsable des fouilles

Et les archéologues espèrent en apprendre beaucoup sur ces premiers colons germaniques. Ils ont déjà relevé un nombre « étonnamment » élevé de tombes d’enfants, et fait des découvertes rares et surprenantes. Ils ont ainsi dégagé un corps inhumé sur le ventre, une pratique extrêmement rare, généralement associée à des délits grave, où à la crainte d’un adversaire. Ils ont ainsi retrouvé un collier en bronze dont on ne connaît à l’heure actuelle qu’un seul équivalent, provenant de Norvège, mais aussi un archer avec son carquois et de riches offrandes, ou encore un adolescent entouré d’objets romains.

Autant de découvertes qui vont permettre d’en apprendre beaucoup sur l’installation des premiers colons germaniques dans la région, d’autant plus que les fouilles ne sont pas encore finies.


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