A Rome, une domus antique ouverte au public sur l’Aventin
L’histoire commence en 2014, à Rome, alors que des constructeurs travaillent à la protection antisismique d’une suite d’appartements de luxe, la Domus Aventino, près de la Piazza Albania à Rome. Devinez quoi ? Ils tombent sur les vestiges archéologiques d’une demeure de l’ère impériale. Rien de bien étonnant pour une ville au passé si riche, où le moindre chantier d’envergure entraîne des découvertes en série, comme cela a été le cas lors du percement de la ligne C du métro.
Les fouilles archéologiques qui s’ensuivent mettent au jour les ruines d’une demeure d’époque romaine, enterrée depuis des siècles. Elle se trouve sur la colline de l’Aventin, l’une des sept de Rome, qui lui vaut le nom de « domus aventino« . Le quartier, de par sa proximité avec le Circus Maximus, où les citoyens se réunissaient pour assister aux courses de char, puis avec les palais impériaux situés sur le Palatin, en faisait une zone résidentielle de prestige pour l’aristocratie romaine, et beaucoup de grandes familles y possédaient une demeure.
Durant six ans de recherche, les archéologues vont mettre à jour une somptueuse demeure à l’histoire complexe. « On peut voir, d’après la richesse des décorations et des mosaïques, que la villa appartenait à une personne puissante, probablement liée à la famille impériale », commente d’ailleurs l’archéologue Daniela Porro. L’image en tête de l’article propose une restitution partielle de son intérieure à l’époque impériale.
Les recherches ont permis de dresser le plan général de la domus, et d’identifier les pièces réservées au repos ou à une utilisation diurne, les réserves ainsi que les jardins. Des objets rappelant la vie quotidienne des habitants de la domus, ont aussi été exhumés : un marteau, une clé, une épingle à cheveux ou une cuillère, ainsi que des amphores utilisées pour contenir le garum, cette sauce de poisson fermentée qui constituait l’une des bases de l’alimentation des Romains.
« Ce qui est inhabituel, c’est qu’il y a six couches de mosaïque, posées les unes sur les autres entre le Ier siècle avant notre ère et la fin du II siècle après notre ère, le sol s’étant affaissé à cause des excavations réalisées sous le site, du fait de l’exploitation de carrières de pierres », commente Francesco Narducci, l’un des archéologues qui a dirigé le projet. Durant cette période, les restructurations sont intervenues tous les 30 ans environ, chaque génération posant sa marque sur la demeure et la redécorant suivant les modes de l’époque. « Après six tentatives de nivellement du sol, qui s’était enfoncée d’environ un mètre, la maison a finalement été abandonnée », au début du IIIe siècle.
Les archéologues ont donc retrouvé, empilées les unes sur les autres, de nombreux éléments décoratifs de différentes époques. Le plus ancien est une mosaïque à motifs géométriques hexagonaux en noir et blanc remontant au Ier siècle avant notre ère. Une inscription plus tardive, remontant au règne de Trajan (98-117) mentionne trois commanditaires de la mosaïque, ce qui laisse à penser que la demeure pourrait avoir eu à l’époque une fonction semi-publique pour les membres d’une association. Une mosaïque, également noir et blanche, avec des motifs géométriques complexes (carrés, cercles, hexagones, nombres) de l’époque d’Hadrien (117-138) a aussi été mise au jour. Mais ce sont surtout cinq mosaïques de l’époque antonine (150-175) qui sont les plus remarquables, montrant notamment un perroquet vert avec des plumes rouges ou des vignes poussant dans un grand pot. Des fresques, des inscriptions en latin, des représentations du demi-dieu Hercule ou de la déesse Athéna ont également été retrouvées.
Sous les vestiges de la villa, les archéologues ont également trouvé des vestiges beaucoup plus anciens, remontant à une époque où le quartier n’était pas encore urbanisé, mais se trouvait encore aux limites de la cité : un mur, construit en blocs de tufs volcaniques, pourrait être la base d’une tour de garde construite au IVe ou IIIe siècle avant notre ère, à l’époque républicaine (-509 à -44), quand les Murs Servien ont été construits. Il semble qu’au milieu du IIe siècle avant notre ère, le site soit passé d’une vocation défensive à une utilisation privée.
Maintenant que le chantier de fouilles a pris fin, les vestiges restaurés de la villa, accessibles dans le sous-sol des logements modernes, devraient être ouverts au public. Les visiteurs pourront plonger dans le temps et découvrir les ruines et les décorations de l’époque d’Hadrien et d’Antonin, agrémentées de projections multimédia aidant à se faire une idée de la structure de l’ancienne demeure.