Kuelap, la cité perdue des Chachapoyas, les guerriers des nuages
Dans les Andes péruviennes, au-dessus de la forêt amazonienne, se trouve le magnifique complexe archéologique de Kuelap. Surnommé le Machu Picchu du Nord, ce complexe est pourtant bien plus ancien que la cité perdue des Incas. En effet, Kuelap est l’un des principaux centres d’une autre culture andine : les Chachapoyas, dont le nom (donné par les Incas) signifie les guerriers des nuages. Rien d’étonnant cette culture s’est épanouie dans une région montagneuse et élevée : Kuelap se situe ainsi à 3000 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Les Chachapoyas, guerriers des nuages, et leur culture.
Les origines des Chachapoyas ont fait l’objet de débat – en particulier du fait d’une source historique espagnole les décrivant comme « blancs », qui a donné naissance à des théories peu crédibles attribuant l’origine de leur civilisation à des influences européennes. Une autre théorie serait qu’il viendrait de la région amazonienne. Cependant les recherches archéologiques et anthropologiques n’ont pas mis en lumière de différence avec les autres cultures andines voisines.
Leur territoire, aujourd’hui située dans le sud du département péruvien de l’Amazonas, est caractérisé par la présence de forêts de nuage, un type de forêt humide que l’on trouve en milieu tropical de montagne (ici les Andes), entre 1000 et 3000 mètres d’altitude. Même si la région était bien plus anciennement peuplée, on considère que la culture Chachapoyas a émergé durant une période située entre le Ve et la fin du VIIIe siècle de notre ère.
Durant la deuxième moitié du XVe siècle, l’empire inca en pleine expansion s’attaque aux Chachapoyas et les soumettent vers 1475. Cette domination ne semble pas avoir été très facile, et rencontre des résistances, voire des rébellions au niveau local. Pour assurer leur emprise, les Incas installent des garnisons, et procèdent à des transferts de population forcés dans des régions lointaines.
C’est peut-être l’une des raisons pour laquelle les Chachapoyas semblent se positionner en majorité du côté des conquistadors lors de la conquête de l’empire inca. En 1547, les soldats espagnols atteignent la cité de Chachapoyas et mettent fin à l’indépendance de facto de ce peuple. Les maladies et la pauvreté les frappent durement au début de la période coloniale, et diminuer leur population dans des proportions considérables (jusqu’à 90%) durant les 200 ans suivant l’arrivée des Européens.
Les informations concernant les Chachapoyas proviennent essentiellement de sources incas ou espagnoles, et les recherches et découvertes archéologiques sont une mine d’information précieuse pour une meilleure compréhension de cette culture, qui était déjà moribonde au XVIIIe siècle, mais qui nous a laissé des vestiges parmi les plus intrigants et remarquables du Pérou.
La redécouverte de la cité perdue de Kuelap au XIXe siècle.
En raison de la végétation dense, de l’emplacement difficile d’accès et des fortes pluies, les impressionnants vestiges de la forteresse, engloutis par la forêt, ont été oubliés pendant longtemps. La cité de Kuelap a finalement été « découverte » le 31 janvier 1843 par Juan Crisostomo Nieto, juge de la ville voisine de Chachapoyas, alors qu’il se promenait dans la zone. Le Machu Picchu, lui, attendra plusieurs décennies supplémentaires avant d’être redécouvert par le grand public.
Par la suite, de nombreux chercheurs sont venus visiter le site afin d’étudier les personnes qui y vivaient et leur culture. C’est l’historien Federico Kauffmann Doig qui a le plus contribué à ces recherches et à la compréhension de la culture chachapoyas. Cependant, la forteresse est toujours restée dans l´ombre d´autres cites plus célèbres, et notamment le Machu Picchu.
La forteresse de Kuelap, centre majeur de la culture Chachapoyas.
Surplombant la rivière Utcubamba, Kuelap est avant tout une forteresse impressionnante, dont les murs peuvent atteindre jusqu’à 19 mètres de haut. Ils protégeaient une surface s’étendant sur environ 600 mètres de long. La construction des formidables fortifications de Kuelap pourrait avoir été la réponse des Chachapoyas à la menace d’une invasion des Waris, un puissant empire ayant précédé les Incas et dominant le littoral péruvien.
Mais pour les Chachapoyas, Kuelap est aussi une cité, un centre politique, religieux et culturel majeur. Les chercheurs ont recensé les vestiges de plus de 500 édifices, dont des temples, à l’intérieur de son enceinte.
Le site offre des vues surréalistes sur la forêt nuageuse, la campagne et les montagnes environnantes. Mais le site remarquable de Kuelap protégeait surtout ses habitants des invasions des autres tribus de la région.
Tour des structures et édifices les importants de Kuelap.
Les vestiges de maison : l’un des aspects les plus frappants des ruines de Kuelap est le grand nombre de ruines d’édifices circulaires. C’était une des caractéristiques de l’architecture chachapoya, comme l’illustre ici à la fois la reconstitution d’une de leurs maisons, ainsi que la reconstitution virtuelle de l’aspect que pouvait avoir l’un de leurs villages.
Le temple principal : C’est l’un des centres sacrés les plus importants de Kuelap. De nombreux indices suggèrent que ce lieu était utilisé pour des sacrifices et des rituels complexes impliquant le placement d’ossements humains dans un réceptacle, créant ainsi une sorte d’ossuaire.
La plate-forme circulaire : La fonction de cet endroit était intimement liée à celle du temple principal, puisqu’il s’agissait de la maison du gardien du temple. De plus, la plate-forme a été le centre d’un grand massacre orchestré vers 1570 par les colons espagnols.
La tombe de l’Inca du village d’Alto Sur : La tombe a été trouvée à l’intérieur d’une structure spéciale, où les ossements d’un Inca adolescent étaient accompagnés d’offrandes précieuses comme des céramiques fines, des produits en bois et un anneau nasal en métal. Il est possible que ces offrandes fassent partie du rituel des Capacochas, une coutume inca importante.
Callanca : Ce bâtiment datant de l’époque inca est l’une des plus grandes structures du complexe. Il servait de centre cérémoniel et d’hébergement pour les invités et les voyageurs.
Le Torreón : Cette structure a été construite au deuxième niveau, tout près de la zone nord du complexe. D’une hauteur de sept mètres, il est considéré comme le plus haut bâtiment de Kuelap. On pense que la structure a été utilisée comme mur de défense pour la ville en raison de la vue panoramique spectaculaire de la zone, permettant aux sentinelles de voir les attaques possibles des villages adjacents.
Le château : Avec sa forme rectangulaire et ses trois plates-formes, cette structure était la résidence d’un important chef religieux du peuple de Kuelap.
La cité perdue de Kuelap, Machu Picchu du nord : un site de plus en plus touristique.
Depuis quelques années, le tourisme se développe à Kuelap et le site accueille de plus en plus de visiteurs. Un téléphérique destiné à en faciliter l’accès a été construit en 2017, permettant d’attendre le site en seulement 20 minutes, et l’année dernière, plus de 80000 touristes ont visité le site.
On est encore certes loin des chiffres du Machu Picchu, mais malgré l’atout que représente le développement du tourisme pour les communautés locales, il ne faut pas négliger les risques que le tourisme peut faire peser sur des sites archéologiques fragiles et aux superficies limitées.