Motyé en Sicile : le sort funeste d’une cité phénicienne anéantie

La cité antique de Motyé, en Sicile, fut une colonie phénicienne prospère avant de devenir la plus importante base carthaginoise de Sicile. Sa destruction a laissé un site archéologique intact, redécouvert au XXe siècle.


Une colonie phénicienne en Sicile.

La fondation de Motyé remonte probablement au VIIIe siècle avant notre ère, soit environ un siècle après que les Phéniciens aient fondé Carthage en Tunisie. A l’origine, il s’agissait d’une colonie phénicienne, tout comme Carthage. Les Phéniciens avaient l’habitude de choisir ce genre de sites, sur des îles, et d’y fonder dans un premier temps des stations commerciales ou des emporiums. Cependant, Motyé était promis à un destin plus grand. Progressivement, la petite colonie établie sur une île, assez inhospitalière,, d’environ 850 sur 750 mètres, à un kilomètre de la côte sicilienne, devient une ville florissante produisant notamment du sel.

Comme les autres colonies phéniciennes de Sicile, Motyé finit par passer sous le contrôle de Carthage. Dans le même temps, la Sicile était aussi l’objet d’une colonisation intense par les Grecs, et leurs colonies augmentaient en nombre et en importance. Progressivement, les Phéniciens abandonnèrent leurs établissements à proximité et se recentrèrent sur leurs trois principales colonies de Soluntum (Solonte), Panormus (Palerme) et Motyé. Cette dernière jouit d’une position privilégiée, car elle est la plus proche de Carthage et de l’Afrique du Nord, et sa position la rend facile à défendre. Outre son importance commerciale, elle devient la principale place forte des Carthaginois en Sicile.



Le siège et la chute de Motyé.

Cependant, c’est aussi ce statut qui allait provoquer sa chute. Carthage n’était pas intervenue en Sicile depuis la défaite d’Himera en -480. Mais en -409, elle intervient dans les conflits entre cités grecques et Hannibal Mago met à sac deux cités grecques importantes de l’ouest de la Sicile, Himera et Selinus. Les Grecs lançant des raids contre ses possessions, Carthage poursuit son avance et prend Akragas en -406, puis Gela et Camarina en -405 avant de faire la paix avec le tyran de Syracuse, Dionysius. Même si la paix est favorable à Carthage, à qui plusieurs cités grecques doivent verser tribut, Dionysius n’y voit qu’une trêve, met à profit les années suivantes pour renforcer sa puissance et faire de Syracuse la cité la mieux fortifiée de tout le monde grec.

Le conflit pour la domination de la Sicile est inévitable et Dionysius reprend l’offensive en -398 et décide de se concentrer sur Motya, qui a été la base permanente de la flotte carthaginoise au cours des opérations de -409 et -407. Il y dirige sa flotte de 200 navires de guerre et 500 transports. La disproportion des forces est grande, mais les habitants de Motya se préparent à résister, comptant sur deux atouts : leur position défensive naturelle, et l’aide de Carthage. Pour commencer, ils coupent la chaussser reliant leur ville au continent. Dionysius est contraint de faire remblayer l’espace par ses troupes.

Ceci accompli, les engins de sièges, et notamment la catapulte, qui semble y être employée pour la première fois, sont amenés contre les murs. Mais les habitants continuent de résister. Même lorsque les tours et les remparts finissent par tomber, la résistance se poursuit. N’attendant aucune pitié des Grecs, le combat est mené rue par rue, maison par maison, une guérilla urbaine qui inflige de lourdes pertes aux attaquants. Cette lutte obstinée provoque d’ailleurs l’exaspération des Grecs : lorsque la cité est enfin soumise, tous ses habitants survivants sont passés au fil de l’épée. Dionysius ne parvient à sauver que ceux qui se sont réfugiés dans les temples, et encore fait-il crucifier tous les Grecs ayant combattu du côté ennemi.

Dionysius installe une garnison, mais dès -396, le général carthaginois Himilcon reprend possession de Motya sans grande difficulté. Mais la ville ne se relève pas. Au contraire, Himilcon est frappé par les avantages du promontoire de Lilybaeum et y fonde une nouvelle cité, où les rares survivants de Motya sont transférés.

Motyé est ainsi éclipsée par Lilybaeum et n’est ainsi jamais reconstruite. Ce n’est qu’au XIe siècle que des moines viennent y établir un monastère et donnent à l’île le nom de San Pantaleo. Au XIXe siècle, l’île est achetée par un Anglais, et les fouilles commencent, mettant au jour les vestiges uniques de la cité punique de Motyé.


Un site archéologique remarquable.

La destruction de Motyé, puis l’abandon total de la cité, a ainsi permis au site archéologique de ne connaître aucune perturbation jusqu’aux premières fouilles sur le site. Celles-ci ont permis de mettre au jour des vestiges remarquables et très significatifs, notamment des remparts, des temples, un bassin sacré, la nécropole de la ville…

Mais la découverte la plus remarquable, et certainement la plus symbolique, est celle de l’aurige de Motyé, une statue hellénistique réalisée en Sicile au Ve siècle avant notre ère.

L’aurige de Motyé.