Ninive, la métropole des Assyriens

Ninive est certainement l’ancienne ville assyrienne la plus importante et fut la capitale de ce puissant empire. Située sur la rive orientale du Tigre, dans le nord de l’Irak, son site archéologique se trouve aujourd’hui dans la ville de Mossoul. Aux époques anciennes, son importance s’explique en partie par sa position stratégique sur la route entre les ports méditerranéens du Levant et le plateau iranien, et sur un point de passage pratique sur le Tigre. Mais c’est surtout un choix politique qui a le plus de poids sur son destin : au début du VIIe siècle avant notre ère, le roi Sennachérib fait de la ville la capitale de son grand empire.


Ninive, un centre religieux important.

Les travaux archéologiques sur le site de Ninive ont produit une chronologie particulière fondée sur les différents niveaux archéologiques retrouvés.

La première période est dite d’Uruk, au IVe millénaire avant notre ère. Elle témoigne d’une influence culturelle croissante venue de la Basse-Mésopotamie. A l’époque, la ville aurait déjà pu couvrir 40 hectares.

Puis vient la période dite de Ninive V (vers -3000 à -2500), assez mal connue, mais durant laquelle la ville continue de croître et commerce avec la Mésopotamie et le plateau iranien. La fin du troisième millénaire est marquée dans la région par deux grands empires : celui d’Akkad, et celui de la troisième dynastie d’Ur. Tous deux étendent leur domination sur la Mésopotamie du nord, mais aucune preuve concrète n’indique qu’ils aient contrôlé Ninive. Cependant, les archives de la cité de Mari indiquent qu’au début du XVIIIe siècle avant notre ère, Ninive est peuplée majoritairement de Hourrites, et que la cité fait partie du royaume de Nurrugûm dont elle est le principal centre religieux. Lors du royaume éphémère de Haute-Mésopotamie constitué par le roi Samsi-Add d’Ekallatum, Ninive est un temps résidence du roi et de grands travaux y sont entrepris, en particulier la restauration du temple principal d’Ishtar (ou Shaushga en Hourrite).

Après l’effondrement de ce royaume, c’est le roi de Babylone, Hammourabi qui domine la cité. Domination brève encore une fois. Après le XVIIIe siècle, Ninive ne fait plus partie de ce royaume mais son histoire est mal connue. Puis, au XVe siècle et durant une partie du XIVe siècle avant notre ère, la ville devient partie intégrante de l’empire du Mittani. Elle dispose d’un rayonnement importante grâce au culte d’Ishtar, qui jouit d’une réputation internationale.


La montée en puissance de Ninive sous les rois assyriens.

La situation change encore une fois au XIVe siècle avant notre ère, lorsque Ninive est incorporée dans le royaume assyrien par le roi Assur-Uballit Ier, alors que les Assyriens supplantent progressivement les Hourrites dans la région. Les rois assyriens successifs semblent faire de Ninive la capitale religieuse de leur royaume et accorder une grande importance au temple d’Ishtar. Son importance devient de plus en plus considérable à partir du XIIe siècle avant notre ère. Salmnazar Ier est le premier roi à établir un palais royal à Ninive, imité par deux de ses successeurs.

Le royaume assyrien traverse par la suite des temps difficiles mais Ninive reste toujours sous le contrôle de ses rois, malgré la pression des Araméens. Au début de la période néo-assyrienne (-934 à -609), la ville gagne en importance et les rois y aménagent des palais et des temples. Assurnasirpal II (-883 à -859) déplace sa capitale d’Assur à Kalkhu (ou Nimroud), située dans la même vallée que Ninive. Il fait aussi restaurer le temple d’Ishtar et construire un palais à Ninive. Ses trois successeurs y font aussi construire un palais et le dernier, Adad-nerari III (-810 à -783) fait aussi restaurer le temple de Nabû. Sargon II (-721 à -705) déplace une nouvelle fois la capitale du royaume vers une nouvelle fondation : Khorsabad, située à quelques kilomètres au nord de Ninive.


Ninive, capitale de l’Assyrie, et le plan urbanistique de Sennachérib.

Son successeur, Sennachérib, fait finalement de Ninive sa nouvelle capitale vers -700. A cette époque, la ville devait compter environ 15000 habitants. Sennachérib décide de faire de Ninive une véritable métropole et engage pour ce faire des moyens considérables. Cette entreprise va marquer l’apogée de la tradition urbanistique assyrienne, mais aussi réaménager tout le territoire entourant la cité.

Pour commencer, la ville fut considérablement étendue, en longueur, passant d’environ 150 ha ceint d’une muraille de 5 km à 750 ha entourés d’une puissante muraille de 12 km, percée de cinq portes.

De grands travaux hydrauliques furent aussi lancés pour augmenter la productivité des campagnes et pouvoir nourrir une population plus importante. Le cours du Khosr, la rivière qui se jette dans le Tigre à Ninive, fut canalisé et contrôlé par deux nouveaux barrages. Son débit fut aussi augmenté par le détournement d’eau venant de la région au nord de la ville par le biais de différents ouvrages, dont le plus remarquable est l’aqueduc de Jerwan. Il fit aussi identifier tous les points d’eaux locaux, creuser des canaux et même des marécages. Tout le paysage de la région fut ainsi bouleversé, permettant d’augmenter la zone cultivée et d’alimenter de vastes parcs et jardins dans la ville.

>> Découverte de bas-reliefs assyriens près d’un canal réalisé à l’époque de Sénnachérib.

Dans la ville même, Sennachérib fit construire une nouvelle résidence, « le palais sans rival ». Il fut construit dans la partie sud-ouest de la citadelle, sur l’emplacement d’un ancien palais qui tombait en ruines sous l’action de l’érosion causée par le Khosr coulant en contrebas. Le cours de la rivière fut détourné pour pouvoir élargir les fondations et relever le palais. Pour soutenir ces travaux, une nouvelle carrière de pierres et une forêt de cèdres dans les montagnes sont mises en exploitation. Tous ces travaux furent probablement réalisés par des déportés, mais peut-être aussi des sujets assyriens soumis à la corvée.

Les successeurs de Sennachérib poursuivirent l’embellissement de la ville. Ainsi Assurbanipal fit restaurer un ancien palais, le « palais nord ». Il est difficile d’estimer la population de Ninive à son apogée, mais il est possible qu’elle ait pu atteindre 75000 habitants.


Une fin brutale : la destruction de Ninive et de l’Assyrie par la coalition médo-babylonienne.

Mais à la fin du règne d’Assurbanipal, l’Assyrie décline brutalement et se retrouve menacée au cœur même de ses possessions par les Mèdes et les Babyloniens. En -614, les Mèdes prennent Assur mais échouent devant Ninive. Ce n’est que partie remise : en -612, les Mèdes et les Babyloniens alliés pour la circonstance mettent à nouveau le siège devant la ville. Après seulement trois mois, la cité tombe le 10 août. Le roi assyrien Sîn-shar-ishkun meurt durant les combats, Ninive est pillée et détruite ; l’empire assyrien s’achève.

Durant les siècles suivants, la ville n’est probablement plus habitée que par une population réduite vivant dans les ruines, mais ses puissantes fortifications peuvent toujours servir de refuge à la population environnante, comme cela semble être le cas lors de la retraite des Dix Mille (une expédition grecque au cœur de l’empire perse) vers -400.


L’histoire postérieure de la ville jusqu’à son abandon.

Après la chute de l’empire perse aux mains d’Alexandre, puis durant la période hellénistique et partho-romaine, la ville connaît un nouvel essor. Il semble qu’elle ait été une colonie grecque, peut-être sous le règne de Séleucos Ier (le premier souverain de la dynastie Séleucide). Du moins durant les Parthes, c’est de nouveau une cité importante.

Sous les Sassanides, l’habitat se resserre. Finalement, la ville tombe au mains des Arabes, en 637-638 ou bien en 641-642. A l’époque, Ninive était devenue une cité chrétienne importante, abritant aussi une grande communauté juive. Les souverains Sassanides, zoroastriens, tolèrent la religion chrétienne. Cette tolérance persiste au début de la domination musulmane, mais la population se convertit peu à peu à l’islam. Une communauté chrétienne subsiste cependant, centrée sur Mossoul, jusqu’à nos jours.

Lorsque l’Etat Islamique prend possession de Mossoul en 2014, et durant les années suivantes, de lourds dommages volontaires sont infligés au patrimoine historique et archéologique de Ninive : destruction de la porte Mashki, de la porte d’Adad et d’une parties des murs de la ville, creusement de tunnels pour piller les restes archéologiques enterrés, destruction de la tombe de Jonas.