Découverte de têtes de crocodiles vieilles de 4000 ans dans deux tombes près du temple d’Hatshepsout
Des archéologues polonais fouillant la nécropole thébaine, non loin du célèbre temple funéraire de la reine-pharaon Hatshepsout, ont retrouvé des têtes de crocodiles dans les tombes de deux nobles égyptiens. Région située sur la rive ouest du Nil, en face de Thèbes, la capitale antique de la Haute-Egypte (aujourd’hui Louxor), servait de lieu de sépultures à la population thébaine, mais aussi à plusieurs dynasties royales, aux nobles et dignitaires de la cour, et au clergé, notamment celui de Karnak. Outre les célèbres vallées des rois, des reines et des nobles, on trouve de nombreuses hypogées dans falaises de cette région aride.
La nécropole d’el-Asassif et les tombes du règne de Montouhotep II.
es archéologues du Centre d’archéologie méditerranéenne de l’université de Varsovie travaillent sur l’un des sites concentrant de nombreuses tombes, la nécropole d’el-Asassif, située juste à l’ouest de la chaussée menant au temple funéraire de la reine-pharaon Hatchepsout. Cette zone est depuis longtemps une concession archéologique polonaise, et ce sont leurs archéologues qui ont majoritairement étudié ce temple funéraire et travaillé à sa restauration et reconstruction.
Depuis 2013, les archéologues étudient deux tombes de la nécropole d’el-Assassif. La première appartient à un dignitaire dont le nom n’est pas connu, mais qui servait à la cour royale, et l’autre à un dénommé Cheti ou Khéty, fonctionnaire important sous le règne de Montouhotep II. Ce pharaon, dont le long règne s’étendit entre -2055 et -2002, est une figure de premier ordre dans l’histoire égyptienne. Régnant sur Thèbes, il parvient en effet à réunifier l’Egypte, mettant fin à la première période intermédiaire. Il est ainsi considéré comme le premier pharaon du Moyen Empire. Il fut un grand bâtisseur, tout comme Ramsès II, aussi un grand bâtisseur, mais peu de ses monuments nous sont parvenus. L’une de ses grandes constructions était son temple funéraire, grandiose et d’un style original. Celui-ci se trouvait tout près de là où Hatshepsout fait construire le sien, quelques siècles plus tard, en s’inspirant d’ailleurs de son architecture. Et cela explique que les tombes de ses grands dignitaires se trouvaient à proximité de sa sépulture.
Ces deux tombes sont connues depuis longtemps, et ont déjà été explorées. Celle de Khéti (tombe TT311) a notamment été fouillée par Herbert Eustis Winlock en 1923 pour le compte du Metropolitan Museum of Art. Elle est fortement détruite, mais il reste néanmoins de nombreux vestiges de reliefs, et la chambre funéraire, mieux préservée, était aussi décorée. Vous pouvez voir une modélisation 3D de la tombe de Khéty ici.
Des fragments de têtes de crocodiles, animal du dieu Sobek.
La dernière découverte remarquable des archéologue dans ces deux tombes est donc la découverte de neuf têtes de crocodiles, enveloppées dans du tissu. Ces restes animaux n’ont été ni momifiés, ni soumis à un traitement spécial pour leur conservation, alors que la pratique de momifier des animaux était fréquente dans l’Egypte ancienne. Seuls des fragments des crânes et des mandibules ont d’ailleurs survécu, comme vous pouvez le voir sur l’image. La cause en est probablement les fouilles effectuées il y a un siècle par Herbert Winloc. Car à cette époque, les chercheurs ne travaillaient pas toujours avec une grande rigueur scientifique, et n’accordaient que très peu d’attention aux restes d’animaux, qu’ils jetaient en tas.
Les chercheurs ont identifié les crânes comme appartenant à l’espèce crocodylus niloticus, un grand crocodile originaire des habitats d’eau douce d’Afrique, qui peuplait le Nil. Or dans l’ancienne Egypte, les crocodiles faisaient l’objet d’un culte et étaient associés au dieu Sobek, représenté sous la forme d’un crocodile, ou comme un humain à tête de crocodile. Cette divinité était aussi associée au pouvoir pharaonique, à la fertilité et aux prouesses militaires. Un de ses grands lieux de culte était la ville de Kom Ombo, la cité de l’or. Sobek était aussi un dieu protecteur, dit « apotropaïque », c’est à dire qu’il servait à conjurer le mauvais sort ou les influences maléfiques. Il était en particulier invoqué pour se protéger des dangers du Nil – qui n’en manquait pas, entre les crocodiles, les hippopotames et les dangers de noyade…