Découverte archéologiqueRome antique

Retour sur l’ouverture de deux tombes étrusques intactes de Vulci

Depuis près de 12 ans, des fouilles ont lieu à Casale dell’Osteria, dans le centre de l’Italie, sur le site d’une nécropole de l’ancienne cité étrusque de Vulci. Cette année, les archéologues y ont retrouvé et fouillé deux tombes étrusques intactes, vieilles de plus de 2500 ans. Une découverte rare sur un site malheureusement largement pillé par le passé.



Vulci, une puissante cité étrusque complètement disparue.

Il est difficile de s’imaginer en voyant aujourd’hui les vestiges du site archéologique que Vulci était l’une des plus grandes et des plus puissantes cités des Etrusques, ce peuple encore mystérieux qui vivait dans le centre de l’Italie et fut en lutte avec les Grecs, les Carthaginois et les Romains avant que ces derniers ne finissent par les dominer, puis par les assimiler.

Située dans le Latium, à 80 km au nord-ouest de Rome, Vulci était un grand centre économique, vivant de l’extraction de métaux, de l’artisanat métallique et de la production de céramique. A son apogée, au VIe siècle avant notre ère, puis au IVe siècle, elle était reliée aux grandes routes du commerce international méditerranéen, et importait des poteries grecques, du vin, des baumes et des onguents d’Orient. Elle fournit même à Rome son sixième roi, Servius Tullius (vers -578 à -535), qui en était originaire. Cette richesse se reflète dans les tombes de la ville et leur mobilier funéraire.

Cependant après s’être débarrassée de la monarchie et de la tutelle étrusque, Rome s’affirme et mène une série de guerres contre les cités étrusques. Leur résistance est notamment brisée lors de deux batailles au lac de Vadimo, en -310 et -283. Vulci résiste encore jusqu’en -280, mais les Romains s’emparent de sa côte et de ses ports, asphyxiant son commerce et provoquant le déclin rapide de la ville. Après sa soumission, la colonie de Cosa est fondée sur son territoire.

A l’époque romaine, Vulci n’est plus que l’ombre d’elle même. La ville survit jusqu’au VIIIe siècle de notre ère, puis disparaît complètement. Son site ne sera jamais réoccupé ; mais au XIXe siècle, on découvre les restes de ses impressionnantes nécropoles, dont certaines tombes deviennent immédiatement célèbres. Malheureusement, les sites archéologiques de la ville et de ses nécropoles sont situés dans une région peu peuplée et difficile à contrôler. Depuis un siècle, ces dernières ont été l’objet de pillages à grande échelle, et il est à présent rare d’y retrouver des tombes intactes, d’où l’intérêt de la découverte récente de ces deux tombes en avril 2023.


Une première tombe étrusque intacte ouverte en avril 2023.

Blocs de pierre scellant une tombe étrusque intacte d'une nécropole de l'ancienne cité de Vulci
Les deux dalles scellant l’entrée.

Les archéologues ont retrouvé une première tombe scellée par deux dalles de tuf d’environ 60 cm de large, et pesant chacune 40 kilos. Elles ont dû être retirées à l’aide d’une grue pour pouvoir accéder à la sépulture. La chambre funéraire, intacte, comportait une plate-forme taillée dans la roche et un ensemble funéraire d’environ 30 céramiques parfaitement conservées.

Parmi elles, les chercheurs ont notamment retrouvés des bucchero (type de céramique noire et brillante produite par les Etrusques), des unguentaria (bouteilles de parfums ou d’onguents) en verre et des amphores. Sur le côté droit de la chambre, près de l’entrée, se trouvait aussi un braséro de bronze contenant encore les braises et les broches qui avaient servi à cuire de la viande pour le repas funèbre.

Les cendres du propriétaire de la tombe se trouvaient à l’intérieur d’une olla, un pot arrondi et trapu, placé sur la plateforme taillée dans le rocher. Les Etrusques, comme les Romains, se fréquemment de ce type de récipient, par ailleurs aussi utilisés à des fins domestiques, pour récupérer et inhumer les restes incinérés de leurs défunts.

N’ayant pas retrouvé d’inscriptions, les archéologues ne connaissent pas l’identité précise du défunt. Mais en raison de l’absence d’armes, et de la présence d’un fuseau (un objet pour filer la laine), ils pensent qu’il s’agissait d’une femme. Dans tous les cas, sa famille devait être riche pour pouvoir lui offrir une tombe aussi richement meublée.


La « tombe 58 », une seconde sépulture intacte ouverte en octobre 2023.

Egalement découverte en avril 2023, la sépulture libellée comme la « tombe 58 » par les chercheurs n’a pu être ouverte immédiatement car son accès était fermé par plusieurs blocs de tufs. Les archéologues ont dû les retirer précautionneusement un par un, avant de pouvoir accéder à l’intérieur de la tombe fin octobre.

Plus grande que celle ouverte en avril, elle a été méticuleusement taillée dans le tuf volcanique et se compose de deux chambres funéraires. Son plan diffère d’ailleurs de celui habituel des tombes de cette époque, et se caractérise par une arche creusée dans la roche entre le couloir-escalier, le vestibule et les deux chambres. Cette disposition, qui omet par ailleurs la chambre droite que l’on trouve normalement, est probablement due à une occupation antérieure de la tombe.

Le mobilier funéraire, lui aussi intact, comportait des poteries, des amphores, des accessoires ornementaux, des objets en fer et un chaudron en bronze, ainsi qu’une nappe qui était utilisée dans le rituel étrusque du repas funèbre. Le contenu de la sépulture, intact et remarquablement préservé, fournit de précieuses informations sur le mode de vie d’une famille étrusque appartenant à l’élite. Alors que quatre amphores étaient de fabrication étrusque pour transporter du vin local, la seconde chambre, outre des bucchero et un bol à trois pieds, contenait des céramiques et des amphores provenant de Grèce orientale, d’Ionie (aujourd’hui sur la côte ouest de la Turquie) et de Corinthe. Les chercheurs pensent aussi que deux d’entre elles viendraient de Chios, où le vin le plus renommé de l’antiquité était produit. Cela montre l’importance des échanges et en particulier des vins durant l’antiquité, ainsi que la richesse de la famille propriétaire de la tombe, capable de s’offrir un tel produit de luxe.

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