Un trésor de 41 pièces d’or nous éclaire sur la fin de l’empire romain aux Pays-Bas
32 pièces d’or remontant à la fin de l’empire romain sont depuis peu présentées au musée Valkhof de Nimègue. Découvert en plusieurs fois sur le site d’un tumulus de l’âge du bronze près de Lienden, dans la province néerlandaise de Gueldre, ce trésor – qui devait compter à l’origine 41 solidii – aurait pu avoir été caché là par un militaire franc local.
Un trésor dans un verger.
Le Ve siècle, qui voit la fin de l’empire romain, est une époque troublée. La migration et l’installation de nombreux peuples germaniques – Francs, Vandales, Visigoths, Goths etc – entraîne une période d’instabilité et d’insécurité. Cela explique que de nombreux biens précieux aient été cachés à cette époque, comme à Lienden.
Dans cas précis, le propriétaire était peut-être un chef franc local. Mais pourquoi avoir choisi cet endroit, aujourd’hui un verger qui paraît sans histoire ? C’est qu’autrefois se trouvait là un tumulus remontant à l’âge du bronze, où des recherches archéologiques récentes ont mis à jour des ossements datant des années -1800. A l’époque romaine, la colline artificielle était bien visible, et peut-être réputée comme un lieu sacré, capable de protéger un dépôt précieux.
En tout cas, des pièces d’or commencèrent à surgir lorsqu’il fut arasé au XIXe siècle pour des raisons agricoles : d’abord au moins 9 pièces (perdues depuis), puis une en 1916. En 2012, des amateurs armés de détecteurs de métaux trouvent 8 autres, puis 23 en 2016. Les pièces restantes constituent le trésor exposé aujourd’hui à Nimègue.
En tout, une quinzaine de trésors datant de la fin de l’empire romain ont été retrouvés à ce jour. Mais le trésor de Lienden est spécial : c’est le dépôt le plus tardif qui ait été retrouvé non seulement aux Pays-Bas, mais aussi en Belgique ou dans la région allemande du Rhin. En effet, la pièce la plus récente est en effet frappée du profil de l’empereur Majorien, qui régna de 457 à 461.
Le trésor aurait donc été enterré vers les années 460, soit seulement quelques années avant la fin officielle de l’empire romain d’Occident, en 476.
Une preuve de la stratégie romaine tardive.
Les Romains, confrontés à des migrations de peuples germaniques qu’ils ne sont pas parvenus à repousser militairement, ont fini par développer d’autres stratégies pour tenter d’enrayer l’effondrement de leur empire. En fédérant des peuples sur leurs frontières ou sur des territoires donnés, ils ont tâché de les stabiliser et de s’en faire des alliés, utilisant ces peuples contre de nouveaux envahisseurs.
A l’époque de l’empereur Majorien (457-461), deux grands dangers menacent un empire déjà considérablement affaibli : les Vandales en Afrique, et les Wisigoths. Contre ces derniers, les Romains utilisent beaucoup les Francs, investissant des sommes considérables pour les fidéliser. Souvent, ces transferts financiers se faisaient sous la forme de solidii – les pièces en or ayant la plus haute valeur dans l’empire, et une quarantaine de ces pièces représentent une somme considérable (aujourd’hui encore, plus de 6000 euros au cours actuel de l’or).
Dans ce contexte, il est possible que le trésor enterré à Lienden provienne d’un paiement effectué par les Romains à un membre de l’élite franque, en échange de son aide. Le professeur Stephan Mols, de l’université de Radboud, a ainsi résumé l’intérêt de la découverte de ce trésor : « cette trouvaille est exceptionnelle parce qu’elle est très tardive. Mais nous avons de plus en plus de preuves que les Romains ont recruté des soldats et ont cherché de l’aide pendant très longtemps [dans la région]. Ces pièces correspondent à cette vision des choses ».
Les Romains auraient donc essayé de partiellement maintenir leur autorité sur leur empire. Non pas directement, puisque dès les années 400, il n’y a plus de domination romaine claire dans la zone, mais en payant les Francs pour combattre à leur place.