Découverte archéologiqueMonde arabo-musulman

Fouilles de Tu’am, une cité perdue du VIe siècle du golfe persique

Des archéologues pensent avoir localisé le site de Tu’am, une ancienne cité perdue qui a prospéré durant les premiers siècles de notre ère. Le site archéologique se trouve aux Emirats Arabes Unis, sur la côte du golfe persique, plus précisément sur l’île de Sinniyah qui protège le lagon de Khor Al Beida. L’île de Sinniyah comprend une série de péninsules en forme de doigts, et les vestiges de Tu’am se situent sur l’une d’entre elles. Les fouilles de cette cité perdue constituent une avancée remarquable pour l’archéologie de la région, et fournissent des renseignements précieux sur son passé préislamique.


La découverte de Tu’am, une ancienne cité majeure du Golfe persique.

Bien que le site de Tu’am semble isolé aujourd’hui, les chercheurs soulignent que le lagon tout proche est l’un des plus grands de la région et regorge de ressources marines. Dans le monde ancien, c’était ainsi un centre de pêche aux perles réputé pour la qualité de ses perles.

C’est pourquoi une grande cité a pu s’y développer à l’époque préislamique. Les chercheurs pensent qu’il s’agit de la ville appelée Tu’am en arabe, ou To’me en araméen, ce qui signifie « jumeaux ». Ce nom a été traduit en grec, puis dans les autres langues, par « Thomas », perdant ainsi son sens originel. On pense que la ville a été nommée ainsi non seulement en raison de la proximité phonétique, mais aussi en l’honneur de saint Thomas. Dans la tradition occidentale, ce personnage est connu sous le nom de Thomas le sceptique, envoyé prêcher le christianisme en Orient. Mais dans la tradition syriaque orientale, il est le père fondateur du christianisme oriental. Jusqu’à présent, le site de cette importante cité n’avait jamais été localisé.

Le développement de Tu’am en tant que cité importante remonte au moins au IVe siècle de notre ère. La ville a connu son apogée aux Ve et VIe siècles. À cette époque, elle a attiré des moines nestoriens qui y ont établi un monastère chrétien – le deuxième sur le territoire des actuels Émirats arabes unis, entre la fin du VIe siècle et le début du VIIe. Aujourd’hui, il est connu sous le nom de Sinyah, et les vestiges de Tu’am s’étendent sur la langue de terre plus au sud.


Les fouilles archéologiques mettent au jour une ville dense et surpeuplée.

Les travaux sur le site ont été entrepris par le département du tourisme et de l’archéologie d’Umm Al Quwain en collaboration avec des partenaires locaux et internationaux. Les archéologues ont mis au jour des bâtiments très denses qui abritaient des dizaines de personnes. Ces vestiges montrent que la colonie s’étend aujourd’hui sur environ 10 hectares.

À l’origine, les habitants vivaient dans de petites huttes en pierre entourées de coquilles d’huîtres jetées au rebut. Avec le succès du commerce des perles, la ville s’est agrandie et des maisons plus grandes avec de somptueuses cours intérieures ont été construites pour les marchands les plus riches. Des immeubles de rapport ont également surgi, témoignant de l’arrivée massive de travailleurs dans la colonie.

La ville est devenue très dense et sophistiquée, avec des unités résidentielles resserrées autour de ruelles étroites. L’espace, semi-urbanisé, était densément peuplé, voire surpeuplé pour cette époque. Avec le développement d’une élite marchande, une forme de stratification sociale s’est manifestée rapidement dans l’espace. Les habitants les plus aisés de la ville ont déménagé dans de grands complexes situés plus au nord du centre-ville.

L’importance de la ville et son rayonnement commercial ont fait de Tu’am une cité cosmopolite. Au VIe siècle, des moines nestoriens s’y sont installés. Après quatre saisons sur le site, les archéologues pensent avoir mis au jour le plus grand établissement religieux chrétien jamais trouvé sur la côte du Golfe dans les Émirats arabes unis.

Cette année, les fouilles se sont poursuivies à l’extrémité sud de la ville de la pêche aux perles, avec des fouilles supplémentaires dans plusieurs pièces à l’intérieur des maisons de la ville de la pêche aux perles et de la zone du monastère chrétien afin de mieux comprendre la disposition des bâtiments et de documenter les structures archéologiques ».

Rania Hussein Kannouma, directrice par intérim du département de l’archéologie et du patrimoine


Le déclin de Tu’am et sa plongée dans l’oubli.

Les archéologues décrivent une ville à son apogée au VIe siècle. Chaque logement mesure environ 30 m², et la ville est prospère mais surpeuplée. La mortalité infantile est élevée, et l’organisation urbaine laisse à désirer. La présence de nombreux fours à pain suggère que l’environnement urbain était probablement très enfumé, ce qui aurait peut-être précipité son déclin.

Les chercheurs pensent que le site a décliné à cause de tensions régionales, mais surtout d’une épidémie de peste bubonique dévastatrice. Connue sous le nom de peste de Justinien, elle a ravagé les régions du Moyen-Orient et tout le bassin méditerranéen. Ses conséquences ont été aussi terribles que celles de la peste noire de 1348.

Cette peste aurait grandement impacté Tu’am. Les archéologues ont retrouvé des fosses communes, et les squelettes ne présentent pas de signe de traumatisme. Il est probable que ces décès soient la conséquence d’une épidémie. Des tests ADN sont prévus pour en savoir plus sur les causes de ces décès. Dans une ville densément peuplée, les conséquences de l’épidémie auraient été renforcées, décimant la population, la terrorisant et exacerbant les tensions sociales potentiellement préexistantes. Il est possible que les survivants aient préféré déserter la zone et se réfugier dans des régions plus reculées et moins susceptibles d’être touchées par l’épidémie.

Quoi qu’il en soit, Tu’am a rapidement décliné avant d’être complètement abandonnée et de sombrer dans l’oubli.


La cité de Tu’am aurait été la lointaine ancêtre des villages perliers de la région aux XIXe et XXe siècles. Bien que son site ait été oublié, sa prospérité a laissé des traces dans les sources écrites de l’époque. Les archéologues n’ont pas encore retrouvé d’inscriptions ou de preuves irréfutables que le site en cours de fouilles soit bien celui de Tu’am, mais ils en sont convaincus pour l’heure.

Source de l’article (en anglais) ici.

Crédits photographiques : Umm Al Quwain Department of Tourism and Archaeology

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