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Au Pérou, des carrières et des routes témoignent de l’expansion de l’empire inca

Le projet Qhapaq Ñan, dans la province péruvienne de Cañete, à environ 130 km au sud de Lima, a pour ambition de mener des recherches archéologiques sans fouilles pour identifier des carrières et des routes de l’époque inca dans la zone. Dans ce cadre, les chercheurs ont identifié deux carrières incas, dans les collines de Quilmaná et Cerro Quinta Freno, ainsi que leurs ateliers respectifs. Pour bien comprendre l’importance de cette découverte, il faut revenir un peu en arrière sur la conquête de la région par les Incas à la fin du XVe siècle.


Les Huarcos, un obstacle à l’expansion fulgurante des Incas.

Civilisation pastorale des hauts plateaux andins, les Incas contrôlent la région de Cuzco au XIIe siècle et y établissent un petit royaume. Leur expansion commence à partir de 1438 sous le règne d’un nouveau roi, Pachacutec. Lui et ses successeurs vont établir en quelques décennies le plus grand empire de son époque, en combinant diplomatie et conquêtes militaires. Les peuples qui résistent aux Incas, comme les Chachapoyas depuis leur forteresse de Kuelap, sont soumis par des invasions militaires souvent brutales.

Vers 1470, les Incas ont étendu leur contrôle sur le site actuel de la capitale péruvienne, Lima, mais surtout Pachacamac, la capitale des Ychsma. Les Incas confirment son importance religieuse et en font une importante capitale provinciale. La région livre régulièrement des vestiges archéologiques importants, comme récemment de plus de 70 paquets funéraires d’époque wari.

Plus au sud, le royaume chincha est également annexé. Les Incas parviennent alors aux frontières de la confédération Huarco, établie dans la région de Cañete, et font face à une résistance farouche contre leurs tentatives d’expansion. La guerre dure quatre ans, et selon certaines sources, les Incas ne parviennent à soumettre les Huarco qu’en utilisant finalement un subterfuge. Ils les leurrent hors de leurs forteresses en invoquant un rituel religieux, présenté comme un moyen d’instaurer la paix, et s’en emparent alors qu’elles ne sont plus défendues.

Les vaincus sont impitoyablement punis : selon le chroniqueur Pedro Cieza de León (un Espagnol arrivé au Pérou en 1535 comme soldat, et qui recueillit un grand nombre de faits et de témoignages), les Incas « tuèrent tous les princes et les hommes les plus honorés d’entre les Huarcos […] ; et ils en tuèrent autant que les descendants le racontent aujourd’hui, et les grandes piles d’ossements qui existent en sont les témoins ». Les Incas auraient par ailleurs aussi pendu un grand nombre des habitants de la vallée, si bien qu’elle en aurait pris le nom de « huarco » qui signifie « lieu des pendus ».

Mais ce n’est pas tout. Suivant une pratique bien établie par ailleurs, les Incas déportent une grande partie de la population Huarco vers d’autres régions plus loyales, et la repeuplent en faisant appel à d’autres peuples, notamment les Chinchas.


La domination inca sur la côte : carrière et constructions.

Les découvertes du projet permettent ainsi de mieux appréhender ces questions dans la région. Elles sont particulièrement significatives parce que, jusqu’à présent, aucune carrière de pierres de taille n’était connue dans cette partie de la côte. Les deux carrières auraient ainsi fourni les blocs pour la construction de murs de style impérial inca sur des sites comme la nouvelle forteresse construite par les Incas à Cerro Azul pour contrôler la vallée Cañete ou à Vilcahuasi (à San Luis de Cañete). Mais la production de ces carrières aurait même été utilisée bien plus loin.

Les chercheurs ont aussi identifié tout un réseau de routes et de chemins liés au transport des pierres. Des colonies incas, comme Pachacamac, auraient pu recevoir des pierres de ces carrières. Les études sont encore en cours, mais il est même possible que des blocs aient été transportées jusqu’à Paredeones de Nazca, à plus de 300 km au sud, par la route connue sous le nom de « Camino de los Llanos », le chemin des plaines.

Ces carrières auraient donc eu une grande importance pour l’empire inca et fournir des matériaux pour leurs activités de construction dans les zones nouvellement conquise au XVIe siècle, et auraient peut-être même continué de fonctionner au début de la période coloniale.

En poursuivant l’examen des carrières et des ateliers retrouvés, les chercheurs espèrent mieux comprendre et expliquer les techniques employées par les maîtres carriers incas pour extraire, sculpter et polir les blocs de pierre destinés à l’architecture impériale inca. Cette architecture se distingue par des murs sans mortier où les pierres s’assemblent avec une précision parfaite. Pour l’année 2024, deux projets de recherche archéologique sont déjà planifiés pour les carrières identifiées. Ces projets visent à élargir les études tout en mettant en œuvre la protection et la valorisation respectives de ces sites. En parallèle, une fois que les sites seront protégés et mis en valeur, un itinéraire de visite pourra être établi, au moins pour l’une des deux carrières.

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